Il s’en est fallu de peu pour que le documentaire de Sam Cullman et Marshall Curry rafle un Oscar en 2012, mais il aura dû s’incliner face à Undefeated, quant à lui très loin des problèmes écologiques et centré sur le rêve américain: le football.
Pourtant, If a Tree Falls: A Story of the Earth Liberation Front, a tout d’un documentaire passionnant, pour peu que l’on soit concerné par les maux de notre planète et que l’on ait envie d’en apprendre plus sur une solution, même si celle-ci est du terrorisme. Car oui, l’ELF s’apparente à du terrorisme, tout dépendant de quel point de vue on se place.
La pellicule, en plus de nous faire découvrir les prémices de ce mouvement, ses motivations, sa détresse face à un gouvernement laxiste et hypocrite et des activistes mollassons, garde toujours une certaine objectivité, ne se limitant pas à un son de cloche. Procureurs, avocats, agents fédéraux, victimes (terme nuancé puisque le mouvement ne s’en prenait qu’aux propriétés et veillait à ce qu’il n’y ait personne sur les lieux), tous ont leur mot à dire afin que lumière soit faite et que le spectateur puisse se forger sa propre opinion. Une approche qui rend justice à ces activistes, les médias ayant toujours montré les images de destruction et toujours occulté le pourquoi. Un contrôle efficace pour que la population se range du côté des victimes, et même le leader du groupe, Daniel McGowan, reconnait lors de ses interventions qu’en voyant les flashs d’informations il ressentait un certain malaise, voire une culpabilité. Un signe évident de santé mentale, car enfreindre la loi est une chose certes condamnable, mais n’avoir aucun remords est un signe évident de manque d’humanité, or c’est justement le nerf central du mouvement, l’amour de son prochain, et même si celui-ci coupe des arbres, détruire tous ses biens va à l’encontre de ses principes. D’où une évidente et constante remise en question de McGowan, d’un côté dépité par l’impact nul des manifestations pacifistes et d’un autre torturé par la culpabilité.
Le succès d’If a Tree Falls vient aussi de son côté intimiste. Le film est partagé entre investigations et suivi de la vie de McGowan, qui bracelet électronique à la cheville, nous narre son passé, et son quotidien, attendant son procès, de même que sa femme, sa soeur, ses parents, tout le monde expose son point de vue. L’autre point fort du métrage est sa capacité à ne jamais prendre part et au contraire tenter de réconcilier activistes et forces de l’ordre, car malheureusement ceux qui sont là « to protect and to serve » usent et abusent de leur pouvoir (l’élément déclencheur est notamment la torture des protestants, attachés et bombés au poivre à même les yeux), de même que la Forest Service, censée protéger la forêt, n’est qu’une extrémité du groupe agricole américain, une police fédérale avec écrit « forest » sur le badge pour lui donner un côté « amical ». Evidemment il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier, tout comme il ne faut pas mélanger l’ELF avec les activistes pacifistes. Néanmoins le clivage qui s’est créé entre ces deux groupes laisse réfléchir à la légitimité de la violence. Lorsqu’un parc d’arbres est rasé pour laisser place à un gros bâtiment de Symantec et qu’ensuite les manifestants pacifistes se font rouer de coups par la police ou que d’autres, encore une fois brandissant simplement des pancartes, subissent le même sort, l’envie d’en venir aux mains et semer le chaos ne peut se faire que plus grande. Les résistants pendant la seconde guerre mondiale voulaient protéger leur pays et sa population, et posaient régulièrement des bombes, or on ne les a pas appelé terroristes. Se battre pour préserver la nature est également protéger son pays et sa population, ainsi que son futur, seulement dans une Amérique post-911 le mot terroriste était sur toutes les lèvres et un moyen aisé de rendre un groupe instantanément détestable auprès de l’opinion publique.
If a Tree Falls, certes américain, et du coup minoré dans son impact vis-à-vis de la population française, se révèle être un documentaire indispensable, élégamment construit, captivant et neutre, mais aussi très maussade, surtout dans sa conclusion.
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le 13 juil. 2013

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