Igelak
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Film de Patxo Telleria (2016)

La Grenouille qui se rêvait Boeuf

Comédie se mettant à distance dès la première scène de la tentation réaliste, Ranas se veut un film simpliste tant par le manichéisme de ses personnages que par l'ambiance exagérément positiviste chez les uns et grossièrement cruelle chez les autres.


Le réalisateur P. Telleria refuse donc d'emblée tout souci de vraisemblance: ces milliers de sans-abri peuplant les rues du pays basque formant un monde de marginaux ayant pris des proportions inquiétantes vient certes revendiquer une situation de crise actuelle du logement en Espagne mais néanmoins ne reflète point la réalité. A travers cette esthétique volontairement hyperbolique, il prétend construire un discours alarmiste afin d'éveiller les consciences.


Ceci, ajouté au cynisme dont font preuve les «méchants» représentés par les banquiers et leur monde fait d'entourloupes et de coups bas, installe le spectateur dans une ambiance pesante, sauvage, pré-apocalyptique comme si un nuage gris pesait au-dessus des têtes. Mais, dès que l'on pénètre le microcosme fabuleux des "Ranas" - squatteurs, membres d'association, lutteurs sociaux, ... prêts à tout pour faire vaincre la justice et faire valoir leurs droits que les méchants banquiers, bouc-émissaires d'un capitalisme sans cœur bafouent sans scrupules - un optimiste résistant à toute épreuve nous emporte comme une bouffée ... d'air frais et le ciel se dégage - même sous les cieux sempiternellement couverts du pays basque.


Or, d'abord jouissif et rassurant, Ranas prend doucement le chemin d'une comédie aux accents «bisounours» tant les gentils sont toujours gentils et leur monde trop merveilleux. Malgré la dualité du protagoniste (Pello incarné par G. Otxoa), tiraillé entre son passé maléfique et la tentation du bien, qui vient atténuer le radicalisme des deux camps contraires, l'ensemble manque de nuances et de subtilité. Les caractères, franchement stéréotypés, allant dans ce sens. Aussi, l'apparition de personnages secondaires en cours d'action - dont le but est de densifier une intrigue assez indigente qui s'essouffle rapidement - fait dévoyer le scénario vers des histoires secondaires peu pertinentes qui embrouillent le spectateur et nuit à la cohésion du récit. Et si Ranas retombe finalement sur ses pattes, en concluant avec circularité, il meuble un peu trop pour boucler l'heure et demie convenue. Enfin, sa morale qui prétend exhorter la foule à ne rien lâcher et à continuer la lutte est ouvertement naïve et hélas peu crédible.


Bref, si l'on trouve dans ce divertissement pour tous – sorte de Disney pour gauchos - de l'optimisme à grande dose et une générosité sans limite, il est bon de ne pas trop croire à la fable – car, nous n'inventons rien, la grenouille restera probablement toujours grenouille, même si elle veut se faire aussi grosse que le Bœuf.

Marlon_B
5
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le 2 avr. 2017

Critique lue 127 fois

Marlon_B

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