Adolphe devait sûrement être quelqu'un de sympathique, je l'ai toujours dit.


ER IST WIEDER DA (il est de retour) est un film qui fait réfléchir à beaucoup de choses.
Il est l'adaptation au cinéma par David Wnendt du livre de Timur Vermes.
Nos manuels scolaires d'histoire ne contiennent finalement pas grand chose, en tout cas pas grand chose d’intéressant. Hitler et les Nazis sont les méchants, ils ont fait beaucoup de mal à l'humanité, heureusement que les Alliés et les Résistants les ont chassés.
Si nous étions encore aujourd'hui sous le troisième Reich, les Japonais auraient été nos meilleurs amis et les Américains des usurpateurs ratés.
Mon cynisme pousse à la stupidité, à la remise en cause irréfléchie, à la déconstruction historique barbare et dangereuse, hors ce film est d'une immense finesse.
L'idée de départ est simple: si Hitler est arrivé au pouvoir comme il l'a fait, c'est à dire élu démocratiquement, c'est qu'il doit bien y avoir une raison.


L'HISTOIRE, UN CYCLE SANS FIN?
Il se trouve que la situation politique allemande de nos jours est très semblable à ce qu'elle était en 1933. On ne va pas y passer des heures mais: pas d'homme fort, donc une quête d'homme providentiel, un peuple qui subit les desiderata de l'Europe, une crise économique, une crise sociale, une crise sociétale.
Là dedans, l'auteur (j'utilise ce mot à la fois pour désigner l'écrivain et le réalisateur) fait renaître l'ami Adolphe, qui à grands coups d'étonnement, de provocation, d'incompréhension, de beaucoup d'humour, de promesses, de propositions démagogiques, puis de propagande, parvient à faire le Buzz, s'allie avec les écologistes, qui eux aussi veulent le bien de la nation, d'une mise à jour de Mein Kampf qui touche de nouveaux ennemis et parvient à se trouver une place dans le cœur de ses compatriotes.
On nous prouve donc que l'histoire pourrait bien se répéter. A grands coups de media, à grands coups de petits politiciens incapables, Etc.
Et ça fait du bien de ne pas être pris pour un con, et ça fait du bien de se voir proposer une petite réflexion qui tient la route.


UN DIFFICILE CHOIX DE POINT DE VUE.
comment filmer Adolphe Hitler?
Saluons déjà la belle prestation d'Oliver Masucci, qui incarne avec aisance et justesse ce personnage difficile, notamment grâce une belle prise d’appui sur Charlie Chaplin (le Dictateur, de lui même) et Mel Brooks (To Be Or Not To Be, d'Ernst Lubitsch).
Les mouvements de caméra sont voulus de sorte à retranscrire à l'écran la psychologie du Führer: très proche du personnage jusqu'à ce qu'il en devienne flouté, souvent à l'épaule, pour mettre en valeur la violence de ses gestes et bien sûr sa bipolarité permanente.
Ainsi le spectateur est très proche du personnage, comprend ses réactions, analyse de la même façon son environnement, s'identifie, le prend en pitié, en sympathie, et rit avec lui, car le film est très drôle.
La mise en scène est visuellement agréable, entre styles contemporains et rétros, des passages qui tirent sur le registre du documentaire, avec quand même une certaine dureté des couleurs bien allemande...
Et peut-on rire de tout?
Le film se joue d'absolument tout, sauf d'une chose: l’antisémitisme.
Et l'auteur a raison, il s'agit de voir sous un nouvel angle les actions politiques d'Hitler, pas ses génocides. Il y a des choses auxquelles il ne vaut mieux pas toucher, et c'est normal. Surtout diffusé à grande échelle.
Alors gags, jeux de mots, quiproquo, références humoristiques et ça suffit largement pour passer un bon moment.


ET ENFIN, CATHARSIS OU BIEN-PENSANCE?
Le livre et le film ont été d'immenses succès en Allemagne, pour une raison évidente: ça doit leur faire du bien de rire de leur sinistre passé!
Après, j'ai tendance à considérer le "ne reproduisons pas les horreurs qui ont été commises" comme de la masturbation intellectuelle.
Et justement ce film dépasse ce stade en nous proposant plutôt de l'acoquinement intellectuel, il nous met en garde contre nos dirigeants, qui eux reproduisent les erreurs, contre nos constitutions qui sont impuissantes, contre nos media, qui choisissent leurs "objets sexuels" dans le but de faire de l'audience, et sans se méfier de la réelle portée des paroles politiques prononcées (de droite comme de gauche).
Un film qui permet le débat.


NB: tous les qualificatifs au sujet d'Adolphe Hitler dans cette critique sont tenus dans l'état d'esprit du film, avec cynisme, provocation et dérision, qu'il n'y ai pas de mésentente.

FranckyTheCrisp
7
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le 3 mai 2016

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FranckyTheCrisp

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