Bon mais ne me comble pas entièrement

Nate Foster, interprété par Daniel Radcliffe, jeune FBI timide et introverti, s'infiltre au sein d'un groupuscule Néo-Nazi afin de démanteler un potentiel attentat terroriste.


Un film poignant, en raison des thématiques abordées, de la réalisation et de l'ambiance anxiogène qui y règne. Nate, en se rasant le crâne et en retirant ses grosses lunettes, enfile son costume de super-héros -ou d'anti-héros ?- pour combattre l'ennemi (à l'instar d'un Clark Kent qui troque ses verres pour son uniforme rouge et bleu). Le costume de Nate ? celui d'un skinhead, ex-marine et vétéran de guerre, qui jure, se tatoue le bras, et enchaîne les saluts nazis. Un personnage en radicale opposition avec celui du début, discret, solitaire et intellectuel.


On retrouve, dans ce film, toutes les qualités du bon thriller, il en va sans dire, à quelques détails près : bons nombres de scènes sont, je trouve, prévisibles, et ne créent pas d'effet surprise, le fameux effet "whaou". Le film reste donc très pragmatique et explicite. Rien n'est supposé ni suggéré, tout est lourd de sens et brut de décoffrage, à l'image des Doc Martens portées par les protagonistes. Le martèlement quasi subliminal d'icônes et de références xénophobes et/ou racistes en sont une autre illustration. Le film suit sa ligne directrice et ne prend pas de risques.


J'aimerais maintenant revenir sur quelques points et ainsi approfondir l'analyse du film. Premièrement, je traiterai des points négatifs pour secondement aborder les points positifs. (Spoiler)



  • l'un des détails qui m'a le plus frappée est pourtant l'un des plus courts du film : lorsque Nate participe à la marche pro-white, surgit de la foule amassée sur le trottoir, un homme noir -que l'on présume être son ami et choqué de sa présence- qui l'appelle par son prénom. Feignant de ne pas le connaître, Nate l'insulte sauvagement et reprend le cours de sa marche. J'ai trouvé aussi dommage qu'incongru de n'avoir aucun background préalable sur ce personnage. Nate ne l'a jamais mentionné et donc ne l'a jamais introduit aux spectateurs, ne serait-ce que très furtivement et/ou subtilement. Cela dénote également avec le caractère même de Nate qui est décrit comme solitaire. Je suis d'accord que la reconnaissance et l'interpellation avaient pour objet l'intensification de la dimension anxiogène. Mais là encore, elle est si brève qu'elle en devient inutile. En effet, les autres membres du groupe ne semblent pas s'attarder sur cette anomalie, quand bien même certains doutaient de la véracité des propos et des actions de Nate. Ok, il parvient à s'en tirer avec un mensonge, mais j'ai globalement trouvé cette action grossière et/ou mal orchestrée.


  • la relation Nate - Angela est, je trouve, un peu grossière également. Même si elle tend à se complexifier au fil de l'histoire, je ne la trouve pas assez développée. Certes, l'action principale se cristallise autour des Néo-Nazis, mais Angela est un personnage majeur, moins pour le spectateur que pour Nate lui-même : elle est son socle, son point d'accroche à la réalité, en contrepartie du cauchemar dans lequel son infiltration le plonge. C'est en grande partie pour cela que je regrette la faible caractérisation du personnage. On ne sait rien sur elle, si ce n'est qu'elle est mère de deux petites filles et qu'elle comble ses envies de cigarettes par des paquets de chewing-gums entiers. L'antagonisme Nate the Good cop/Angela the Bad cop, (qui heureusement se dissipe après la première demi-heure du film) se trouve très stéréotypée et inutile à mes yeux (ou alors je suis la seule à trouver pénibles son flegme à la limite du condescendant et les bruits de mastication ?)



Ces deux points sont pour moi les plus problématiques du film. Mais ils n'effacent en rien les grandes qualités dont il est doté :



  • le cadrage et les lumières. Le cadrage, toujours resserré, semble constamment écraser Nate. On le retrouve très souvent entouré et encerclé par d'autres personnages (lorsqu'il fait pour la première fois la rencontre des skinheads au café-restaurant par exemple), ou par les éléments extérieurs (la foule lors de la marche, les immenses arbres de la forêt où l'emmènent Andrew et son bras-droit, etc.). Comme les particules chimiques radioactives que l'on craint d'inhaler, cette disposition anxiogène nous force plusieurs fois à retenir notre respiration le temps de quelques secondes. On sent Nate pris à la gorge, presque suffoquant, confus entre sa peur et son devoir à accomplir. La luminosité est quant à elle majoritairement absente. Tout est terne, brumeux, ombragé. Un décor obscur qui fait écho à l'obscurantisme du mouvement que Nate tente de démanteler ? Toujours est-il que ces deux éléments, le cadrage cloisonnant et l'omniprésence du sombre, fonctionnent très bien ensembles. Les rares fois où ces deux entités disparaissent du champ sont lorsque Nate se retrouve et discute avec Gerry, fervent pro-white et nazi.


  • le duo Nate - Gerry est pour moi l'un des gros points forts du film (si ce n'est LE plus gros point fort du film). Cette relation incarne à elle seule toute la dichotomie mentale à laquelle se confronte Nate : pour combattre ton ennemi, tu dois apprendre à le connaître. Pour cause, si le groupuscule Néo-Nazi est habité de personnages sanguins et impulsifs, Gerry en est tout son contraire : mari et père de famille aimant, végétarien ne s'interdisant pas quelques plaisirs carnés, habitant dans une belle maison et féru de musique classique, tout comme Nate. Ce dernier tisse alors un lien plus fort avec Gerry qu'avec tous les autres membres. Cette relation quasi filiale, sera fortement marquée par des moments d'abandons affectifs : une étreinte partagée entre les deux hommes, intense par son authenticité et sa véracité, ou encore les larmes d'émotion et de ravissement que Nate laisse couler alors que se termine le morceau de musique classique que les deux protagonistes écoutent. Nate, qui, tout au long du film, s'est entiché de ce personnage de skinhead rustre, à mille kilomètres de sa sensibilité originelle, se voit, en présence de Gerry, rattrapé par son naturel. Je n'ai pas l'impression que le film ait été jusqu'à créer une forme d'empathie du personnage de Nate pour celui de Gerry. Ni même une amitié. Mais davantage une forme de respect et d'appréciation mutuelle. Tant et si bien que l'une des scènes finales -celle du garage et de l'arrestation- se ressent comme une quasi trahison de Nate envers Gerry. Au-delà ce ça, je trouve que cette relation pose une question existentielle et tortueuse : peut-on nouer, tisser des liens avec des personnes dont les valeurs intrinsèques sont en radicales oppositions avec les nôtres ? est-on capable de s'abandonner exclusivement aux passions, musiques, livres qui nous relient, en passant outre les aspirations suprémacistes et délétères d'autrui ?
    Une ouverture alternative (peut-être plus interessante ?) à la conclusion du film, qui se termine en happy ending, où l'on y retrouve Johnny devant une classe d'enfants, noirs et blancs, relatant son expérience au sein du groupe de skinhead qu'il a définitivement quitté. Cette fin, certes positive et pleine d'espoir (la réalisation et donc la déconstruction d'un schéma de pensées nocives est possible), sonnait néanmoins pour moi un peu simplette : ô joie, la fermeture d'esprit est une maladie dont on peut guérir !



En bref, le film est bon, mais l'on reste sur sa faim. Il ne parvient pas à me combler entièrement, bien que j'en ai majoritairement apprécié les saveurs pendant plus d'1h30.
Je ne pense pas le re-visionner inlassablement, toutefois il aura été une bonne expérience !

mutaiowa
7
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le 13 août 2020

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