Un film a rarement aussi bien porté son titre "Aus dem Nichts" (out of nowhere, de nulle part) À ceux et celles qui trouvent ce film ennuyeux et inutile, je pose la question: comment offrir quoique ce soit au spectateur quand on a plus rien en soi? C'est un défi, que je trouve bien relevé par Fatih Akin.


Le film commence sur le mariage de Katja et Nuri en prison, où Nuri fait son temps pour avoir vendu de la drogue. Quelques années plus tard, il est revenu à une vie civile et honorable, avec sa femme et son fils, en tant que chef de petite entreprise. L'intrigue commence lorsqu'il est assassiné avec son fils dans un attentat à la bombe devant sa boutique, "aus dem Nichts".
Katja cherche à comprendre, à obtenir une réparation morale pour la mémoire de sa famille qu'on a tuée gratuitement, parce qu'ils n'avaient pas la bonne couleur de peau. C'est son chemin dans le deuil qu'on suit pendant tout le film.


Dans les points positifs de ce film:
+ Diane Kruger est excellente, les autres acteurs aussi d'ailleurs.
+ C'est un film qui a plusieurs degrés de compréhension. Il parle du deuil, de la société allemande et des défis auxquels elle fait face, de la justice qui, dans certains cas, porte mal son nom.
+ Fatih Akin arrive à transmettre cette sensation de rien, de vide, d'incompréhension, d'espoir et de déception dans beaucoup d'aspects de son film et c'est quand meme la classe.


Dans les points négatifs:
- c'est long et il faut attendre d'arriver à la fin pour comprendre pleinement le sens du film.
- le personnage principal est difficile à apprécier... puisqu'elle a perdu avec sa famille toute volonté de vivre et toute foi en quoique ce soit. Elle fait simplement avec ce qu'elle a, c'est à dire plus grand chose.


Ce film témoigne de facettes et divisions de la société allemande qu'on ne connait pas forcément et de la xénophobie et du racisme présents dans le début des années 2000 qui se révèle plus virulent (et persistant) que ce qu'on a envie de voir. Ce qui rend le film encore plus marquant, c'est qu'il mentionne en passant des préjugés assez violents, quand on demande d'abord à Katja si son mari d'origine turc était musulman/kurde, praticant, engagé en politique, s'il continuait à vendre de la drogue (ces pistes sont dans un premier temps privilégiées et sont reprises dans le procès), quand sa mère lui reproche d'avoir épousé son mari, qu'on lui suggère que son mari lui cachait peut-etre des activités qu'il avait reprises et qu'il avait des choses à se reprocher en fait.
Malheureusement, à l'heure où j'écris cette critique, ces thématiques sont encore d'actualité, avec les attentats à Halle en octobre 2019 et ceux à Hanau en février 2020. Ca vaut le coup de le regarder.
Pour résumer, c'est un film qui parle du néant qu'on peut ressentir après ce genre d'évènement, questionne la notion d'humanité dans une certaine mesure et dénonce les agissements du NSU.


Il aussi donne une tribune et visibilité aux victimes et survivants sans les juger ni les idéaliser parce qu'au final, n'en déplaise à l'extreme droite, nous ne sommes que des etres humains.

smurgairle_roin
7
Écrit par

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le 30 avr. 2020

Critique lue 66 fois

smurgairle_roin

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