Lorsque l’on dit d’un réalisateur qu’il est à suivre, il est préférable que ce dernier ait proposé au moins deux bons films. À l’instar de Duncan Jones, papa de Moon et Source Code (et actuellement en préparation de Warcraft). Et de Denis Villeneuve, cinéaste canadien. Vous savez, celui qui nous a récemment offert Prisoners. Ce film avec Hugh Jackman et Jake Gyllenhaal d’une rare puissance. Eh bien, vous n’avez encore rien vu ! Avant ce long-métrage, Villeneuve pouvait déjà se vanter d’avoir à son actif Incendies. Un film qui, lui aussi, vous marquera pendant longtemps !

Inspiré d’une pièce de théâtre, elle-même inspirée de la vie de Souha Bechara. Une résistante libanaise qui a fait de la prison à l’âge de vingt ans, pour avoir tenté d’assassiner un général. Dix ans d’emprisonnement où elle sera torturée et électrocutée. Et pour les besoins de la pièce de théâtre, une dramaturgie familiale à été ajoutée. Celle d’un frère et d’une sœur qui, à la mort de leur mère, apprennent qu’ils ont un père encore en vie et un frère inconnu, dans la nature. Leur but : donner à chacun une enveloppe, selon les désirs testamentaires de la défunte. Commence alors pour les deux une enquête. Celle de retrouver leur frère, le tout en ressassant le passé de leur mère, militante aguerrie au Liban (telle Souha Bechara).

Une simple recherche familiale mêlée au calvaire d’une femme ? Sur le papier, oui. Mais c’était sans compter sur le talent de Denis Villeneuve ! Aussi bien en tant que scénariste que de metteur en scène. Par quoi allons-nous commencer ?

Aller, le script ! C’est beau de rajouter un drame familial à une inspiration réelle. Encore faut-il lier tout ça de la meilleure des façons ! Avec Incendies, ce lien n’est pas superbe. Il est EXCEPTIONNEL !! Et cruel ! Surtout avec cette histoire de fils que la mère perd de vue avant d’aller en prison. Je ne peux rien révéler de plus, au risque d’en dire trop et de gâcher la puissance qui se dégage de ce récit en tout point ignoble. Une abomination morale qui vous sautera à la figure lors du dénouement, lorsque les deux héros découvrent enfin qui est leur frère disparu de la circulation. Un véritable choc, qui peut rivaliser sans mal avec toutes les tortures qu’elle subira et les situations qu’elle vivra (comme l’exécution des passagers de tout un bus). Un coup de poing d’une puissance rarement inégalable !

S’ajoute à cela une mise en scène en béton ! Un montage qui alterne entre la quête du frère et de la sœur et du destin de leur mère. Qui divise le film en plusieurs chapitres, annoncés subitement à l’écran via un nom écrit en rouge, qui prend toute la taille de l’écran. Ça, à la limite, je peux comprendre que cela puisse en dissuader quelques uns, non habitués à ce genre d’effets de style. Et que cela peut se montrer un peu lourd à la longue. Mais c’est vraiment mineur, tant le reste de la mise en scène supplante tout ! Cette atmosphère que l’on retrouve dans Prisoners. Celle qui rend l’image pesante. Qui renforce la gêne. Qui nous fait exploser à la figure toute l’horreur des images auxquelles nous assistons (cette gamine se faisant exécuter comme un lapin). Qui exploite entièrement cet incendie qui flambe et qui ronge tout de l’intérieur, provoquant des dégâts considérables (d’où le titre, je pense). Et puis, pas besoin de musique pour intensifier l’émotion que l’on doit ressentir, l’image le faisant à sa place. Tous comme les comédiens du film !

Des acteurs inconnus du grand public, d’origine canadienne (Mélissa Désormeaux-Poulin, Maxim Gaudette, Rémy Girard) et idéaux pour les rôles libanais (Lubna Azabal, Abdelghafour Elaaziz). Mais peu importe ! Ces acteurs semblent venir de tous les horizons, ils ont tous un point commun : le talent ! Je parlais de l’image qui, à elle seule, arrivait à faire ressentir toute la puissance du scénario. Eh bien, elle s’en retrouve encore bien plus renforcée par l’interprétation de chacun, qui mise à fond la carte du naturel, de l’authenticité (déjà que le film aborde assez souvent un style documentaire). Comment ne pas se plonger dans ce récit dans ce cas-là ? C’est juste impossible !

Et voilà, avec Incendies, je viens d’avoir un second chef-d’œuvre de la part de Denis Villeneuve. Ce qui me permet de vous dire que ce Québécois est un cinéaste à suivre ! Un nouveau grand nom dans cette nouvelle génération du cinéma. Capable de fournir des films maîtrisés aussi bien dans le fond que sur la forme. Et surtout, qui restent et resteront gravés dans vos mémoires. Prisoners, et Incendies avant lui, sont les nouveaux piliers du long-métrage dramatique. Du vrai ! Aucune excuse pour que vous passiez à côté !
sebastiendecocq
9
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le 25 nov. 2013

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