A cette jeune andouille de lycéenne insouciante, amusée par l'accent québécois au début du film puis bouleversée devant son assiette à midi, la gorge serrée, le cœur tout étourdi après être sortie du cinéma.
C'est seulement après mon quatrième visionnage que je me décide à écrire sur Incendies car même des années après la première fois, mes émotions sont telles que les mots ne me viennent pas facilement. J'ai l'impression d'être plus douée pour râler et faire la spectatrice difficile plutôt que d'écrire sur ce que j'aime, de livrer ma sensibilité.
La valeur sentimentale que j'accorde à Incendies justifie largement ma note qui peut paraître excessive pour certains mais c'est un coup de cœur multiforme (pièce, film) et surtout LA rencontre avec un auteur que j'affectionne beaucoup beaucoup beaucoup [...] beaucoup...
Dès le début, Wajdi Mouawad nous informe que "L'enfance est un couteau planté dans la gorge." : Une vérité qu'il transpose à travers une histoire à couper le souffle.
L'adaptation de Villeneuve ne peut pas restituer la même portée mais elle nous livre tout de même d'autres émotions et significations. Une mise en scène froide et percutante, des scènes intenses, inconfortables et dérangeantes comme notamment les scènes de guerre au Moyen-Orient. Les parallèles sont très bien réalisés entre le passé et le présent, laissant toujours une part d'ombre pour que le spectateur soit presque dans la même situation que les deux jumeaux.
J'aime l'attention qui est accordée à la symbolique : Les scènes à la piscine, rajoutées par le scénariste, représentent l'accomplissement de la vie, ce sont les scènes où les personnages prennent conscience. Les jumeaux s'y recroquevillent en position fœtale comme s'il s'agissait d'une renaissance. Seul le gros plan muet sur le visage de Nawal est capable de retranscrire une émotion si intime et si forte. A ces scènes s'opposent celles des accouchements, la souffrance d'une naissance cachée, indésirée ou indésirable dans le sang, dans le cri. Le gros plan sur la coupe du cordon ombilical est intéressant : Dans ce cas, il accentue la séparation, la distance entre la mère et l'enfant.
S'il s'agit ici d'une tragédie grecque avec des toponymes libanais, la question du lieu et des origines jouent un rôle essentiel. Le Liban n'est jamais cité autrement que par l'intermédiaire de périphrases. L'auteur n'a pas voulu ancrer l'histoire dans une réalité trop précise, favorisant une ambivalence réelle et symbolique. L'ouverture et la fin du film nous prouvent l'importance de la connaissance de soi et la faiblesse de l'homme face aux mécanismes sociaux et historiques.
Le film nous révèle en effet la violence universelle de toutes les guerres dont personne ne sort indemne. L'absurdité de la haine nous pousse à nous demander : Qui sont les victimes ? Qui sont les bourreaux ? car '' La guerre est constituée d’un enchaînement de représailles dont la logique implacable broie les individualités."
Cependant si la femme qui chante se noie dans son silence, elle efface sa colère en nous livrant un message de pardon, de paix et d'amour qui clôture l'oeuvre sur une morale différente : "Rien n'est plus beau que d'être ensemble." Il faut chercher à apaiser le feu au sein d'une même famille.