En lien avec la parodie "3615 Usul : Les jeux indé"

Bon ben ça y est, j'ai regardé Indie Game : The Movie.

Il y a du (très) bon et du moins bon.

C'est parfois très émouvant (l'équipe de Super Meat Boy), joli à regarder, et ça fait vraiment plaisir pour eux, de voir autant de plébiscite, de se dire qu'ils ont réussi leur pari (faire un jeu vidéo, comme un enfant devient inventeur, en creusant spontanément pour "trouver des pépites d'or" comme dirait Jonathan Blow).

Mais ce film a les défauts de ses qualités : quand on regarde les choses différemment, on se rend compte qu'il porte bien son nom le film ; c'est vraiment du CINEMA. Le choix des personnages (créateurs des trois plus gros projets, les plus appréciés, ou du moins les plus originaux en tous cas c'est clair), du cadre (les périodes de présentation/lancement, très courts, et qui permettent d'aborder l'oeuvre vidéoludique comme un résultat qu'on peut juger, plutôt que comme un loooong travail pénible et fait de prototypes, de tâtonnements, d'idées nulles... l'ex partenaire de Phil Phish, de Fez, doit vraiment avoir mal au c.. de constater qu'il a raté l'immortalisation filmique, et c'est au contraire sa silhouette qui devient célèbre), des péripéties à l'emporte-coeur (demande en mariage chez le créateur de Super Meat Boy ; déclaration hystérique de Phil Phish "si le jeu ne marche pas, je me tuerai", à laquelle l'interviewer ne répond rien, ne tente rien pour le raisonner), des histoires personnelles extra-ordinaires ("ce jeu, c'est un peu de moi, c'est un enfant quasi autiste qui va de planète et quand il touche des morceaux de terre, celles-ci éclatent" dixit le barbu de la Team de Super Meat Boy)...

Or, il suffit de prendre du recul (ce qui est naturel quand on connait bien les jeux vidéo, comme l'équipe de 3615 Usul), pour comprendre que rien ici n'est vraiment à l'échelle du réel : le jeu indé est parfois difficile à identifier comme tel, et il y a des jeux téléchargeables produits par des gros éditeurs qui sont pleins de ces "velléités personnelles" de créateurs (bon ok là je me fais un peu l'avocat du diable, mais disons que les très bons jeux très jouables sont rares, et ceux des petites équipes indépendantes le sont encore plus, proportionnellement à l'ensemble de la production de ce type d'équipes - contrairement aux grosses productions, où au moins on est sûrs que ça sera jouable, à défaut d'être intéressant).

Et puis ce film c'est un peu comment parler des créateurs de jeux indé à ces créateurs de jeux indé pour qu'ils puissent se demander s'ils sont plutôt des Phil Phish, des Team Meat ou des Jonathan Blow : que ce soient des grands dadets maladifs à rouflaquettes (Phil Phish), des grands enfants candides (Team Meat) ou des hommes seuls à la vision intellectuelle d'auteur exigeante (Blow), ils doivent passer trois ans de leur vie et tout déchirer sinon ils ne méritent pas de faire partie du tableau.

Bref, il y a effectivement de quoi en faire une parodie, au risque de jeter le bébé avec l'eau du bain (car le film est plaisant à regarder, comme je l'ai dit). La parodie de 3615 Usul est aussi drôle qu'un peu facile, notamment les scènes sur la plage où Usul passe de l'anglais à l'accent québécois pour moquer le développeur torturé (c'est drôle, mais pas très en rapport avec Indie Game The Movie, où Phil Phish, lui, n'adopte PAS son québécois maternel pour dire qu'il va se tuer si le jeu ne marche pas...).

Le plus drôle à mon sens, dans cette parodie, c'est la façon dont il moque ces émissions de télévision françaises opportunistes qui semblent découvrir les jeux vidéo et font à peu de frais l'apologie de la démarche "indé" sans émettre la moindre réserve et en emballant le tout avec des plans de nature et de la musique atmosphérique pour montrer le côté "auteurs" : 3615 Usul devient alors pour l'occasion 3615 Mag (avec un nouveau logo), puisque ça moque l'opportunité (éphémère, one shot) saisie par de petites équipes de télévision d'adopter un ton "journalistique" tout en faisant preuve d'une ignorance assez évidente du sujet.
Alors on me rétorquera certainement que c'est "pour la bonne cause" qu'il y a des docus comme celui-ci, et des émissions spéciales "jeux indé" à la télé : pour que le jeu vidéo se diffuse mieux que la grippe porcine, partout y compris auprés des détenteurs des (maîgres) subventions de la Culture. Sans doute auriez-vous raison. Mais moi je dis que le sens critique est une qualité, et que 36 15 Usul nous en fait une petite démonstration plutôt profitable !
Pour regarder l'émission en question : http://www.jeuxvideo.com/chroniques-video/00000345/3615-usul-jeux-inde-00000217.htm
Jonathan_Suissa
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le 27 oct. 2012

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le 27 oct. 2012

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Jonathan_Suissa

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