Au tournant du millénaire, Herzog semble avoir voulu jouer la conciliation. S'inspirant de l'histoire vraie d'un colosse juif dans l'Allemagne des années 1930, il met ensemble la force et la beauté, mais ce n'est qu'un premier mélange. Il concilie aussi les scènes bucoliques typiques qu'il affectionnait dans ses années 80, où les paysages semblent toujours humides quoique pas forcément brumeux, et le globbe-trotting qui l'a habité dans les années 90. Partant de Pologne, il va faire voyager le personnage jusque dans la capitale du nazisme montant où il va devenir la marionnette aryanisée d'un Juif lui-même camouflé.


Quoique plus sédentarisé, le tournage d'Invincible est toujours en quête d'authenticité : le colosse est un vrai colosse finlandais (Jouko Ahola), la pianiste est une vraie pianiste d'expérience (Anna Gourari) et Tim Roth (qui est excellent dans son rôle) s'est surpris à pratiquer une hypnose non simulée, telle que réclamée pour le scénario. C'est donc sans tricher que Herzog revient sur sa terre natale pour faire parler l'Histoire. Mais on peut lui faire le reproche de ne pas avoir laissé le film se trouver : peu subtil (les rôles de Himmler et Goebbels sont caricaturaux, au mieux minimalistes) et traître à sa propre cause (Polonais et Allemands parlent anglais, mais avec accent, dans un Berlin panneauté en allemand), le film est trop politique pour être poétique (la montée du nazisme ne nous apprend ni n'apporte rien).


La collaboration de Ahola avec Jacob Wein, qui joue son petit frère, est un des aspects les plus satisfaisants du film, avec certains passages des dialogues (ceux de Wein et Herbert Golder - le rabbin - notamment) ainsi que la façon dont Herzog a donné de sa personne pour toutes les facettes du scénario sans discrimination. Mais Invincible laisse un goût amer de modernophobie dont la contradiction le gangrène ; Herzog fait le deuil de son frère ennemi Kinski, ainsi que de ses anciennes méthodes et du XXème siècle tout entier, mais sa ferveur traditionnaliste le cloue sur place.

EowynCwper
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le 27 oct. 2018

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Eowyn Cwper

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