Angelina Jolie a toujours fait des choix surprenants, qu’il s’agisse de sa carrière d’actrice ou de réalisatrice.


Angelina Jolie, c’est la nana capable de jouer dans des bouses de premier ordre telles que 60 Secondes Chrono ou Tomb Raider (j’ai eu beaucoup de mal à lui pardonner ce coup-là) sans se prendre un instant au sérieux et sans forcer sur ses capacités de comédienne (regardez bien sa façon de jouer dans ces deux films, sa nonchalance et son ennui profond sont absolument flagrants. Elle sait parfaitement qu’elle est là pour faire la potiche, et exécute le minimum syndical). D’un autre côté, c’est aussi la femme qui a raflé deux Golden Globes et un Oscar pour ses prestations à l’écran (George Wallace, Une femme de rêve, Une vie volée).


Angelina Jolie, c’est l’itinéraire d’une jeune fille paumée, dark, punk, droguée, lost (« ouais mon mari Billy Bob et moi, on porte chacun une fiole du sang de l’autre autour du cou, c’est tellement roman-go-tique ») qui est devenue la madone des désespérés, la sainte-patronne des grandes causes de ce monde, l’ambassadrice de bonne volonté du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.


Je me moque un peu, mais je suis et ai toujours été admirative de cette femme.


D’abord, Angelina Jolie est fascinante de beauté et de cinégénie. Ensuite, lorsqu’elle décide de bien jouer, elle a la grâce animale et meurtrie d’un Marlon Brando. Quand elle s’engage dans l’humanitaire, c’est mue par une réelle conviction et non pour le décorum. Quand elle pique un mari, c’est pas n’importe lequel, c’est Brad Pitt ma gueule. Plus sérieusement, lorsqu’elle apprend qu’elle risque de développer un cancer dû à des gênes défectueux, elle prend les devants et subit une double mastectomie préventive. Elle passe derrière la caméra et choisit, non pas de tourner un navet insipide, mais de dénoncer les crimes de guerre dans In the Land of Blood and Honey. Bref, le personnage ambivalent et complexe que constitue l’actrice-réalisatrice-scénariste-productrice-mère nourricière-militante 1-possède un sacré cran 2-semble avoir trouvé la voie de la rédemption.


Et ça tombe bien, parce que la rédemption est aussi au programme de son nouveau film Unbroken. Enfin, pas tout à fait.


Je dirais que le problème d’Angelina Jolie, c’est qu’elle a l’air d’avoir trouvé la paix intérieure et s’ingénie maintenant à faire passer son message de réconciliation et de résilience avec une grande naïveté et au détriment de réels enjeux, ici inexploités.


L’histoire de Louie Zamperini est de celle que l’on peut qualifier de « bigger than life », si incroyable qu’elle méritait forcément d’être portée à l’écran. Accrochez-vous: il fait partie de la sélection officielle des JO de Berlin en 1936 et reste à ce jour le plus jeune coureur américain qualifié pour le 5000 mètres; il rejoint l’US Force pendant la Seconde Guerre Mondiale et survit miraculeusement à une attaque aérienne après que l’avion ait essuyé presque 600 tirs de balles; en mai 1943, son avion se crashe en mer, il dérive sur un radeau pendant 47 jours avant d’être repêché par…des japonais; il est enfermé 43 jours dans une cellule de 2 mètres sur 1 et subit ensuite 27 mois d’internement dans un camp de prisonnier où il devient le souffre-douleur du sergent Watanabe.


Ms Jolie n’a pas encore trouvé son empreinte cinématographique. Elle tâtonne encore. La force du film surtout tient au charisme de son interprète principal, Jack O’Connell, qui possède l’assurance suffisante pour porter le poids d’une narration aussi ambitieuse. On est rivé à son regard azur et à son visage déterminé.


La première partie est légèrement faiblarde: flashbacks divers, tentatives d’explications cherchées dans l’enfance de « pourquoi après il a la rage et a décidé de ne plus se laisser faire »; même la dérive en mer manque, de façon ironique, d’ancrage. Le spectateur est ballotté par le flot du récit sans comprendre où il va être emmené (ouh qu’elle est belle la métaphore). Par contre, dès qu’il est capturé par l’ennemi, la ligne directrice s’éclaircit et se stabilise. Le chemin de croix commence pour Louie, et une véritable Passion s’amorce. Dommage que l’interprète de Watanabe ne soit pas toujours à la hauteur. Et surtout, dommage que l’accroche de l’affiche du film soit mensongère : « survival, resilience, redemption ». Pour la survie, okay, on a compris. Mais à quel moment est-il question de résilience ou de rédemption? Et c’est cette partie-même de l’histoire, cruciale, dont nous prive Angelina Jolie. Il est expliqué à la fin du film que Zamperini a pardonné à son geôlier et qu’il est revenu courir symboliquement aux JO de Tokyo des décennies plus tard.


Ce qu’elle ne nous dit pas, c’est qu’après la guerre, Zamperini a sombré dans une succession de dépressions post-traumatiques (normal me direz-vous), qu’il était à l’époque obsédé par l’idée de vengeance, et qu’il n’a trouvé la voie de l’apaisement que des années après. Pourquoi ne pas nous avoir montré tout cela et avoir pris le parti à la place de faire une hagiographie? Le personnage de Louie Zamperini manque cruellement d’épaisseur, d’aspérité, voire de dualité. Le message est par trop simpliste: même après avoir subi autant de « coups » du sort qui auraient pu lui arracher à jamais sa part d’humanité, cet homme-là est toujours debout, non pas invincible (encore un titre français à côté de la plaque), mais invaincu.


C’est très beau, et on ne peut que s’incliner face à un tel message d’espoir. Malheureusement, le propos d’Angelina Jolie qui, on l’aura compris, prône le pardon et la paix à tout prix, souffre de l’absence d’une étape intermédiaire obscure et nécessaire qui aurait sans doute permis d’apporter à son film un souffle épique.

_Rosebud_
5
Écrit par

Créée

le 10 juin 2016

Critique lue 274 fois

_Rosebud_

Écrit par

Critique lue 274 fois

D'autres avis sur Invincible

Invincible
easy2fly
4

Un biopic superficiel

Après "Au pays du sang et du miel", Angelina Jolie dirige un blockbuster pour son second film, racontant l'histoire de Louis Zamperini, athlète olympique américain et prisonnier de guerre durant la...

le 13 janv. 2015

24 j'aime

4

Invincible
Wolvy128
6

Critique de Invincible par Wolvy128

Agréablement surpris par les différentes bandes annonces qui ont précédé la sortie du film, et déjà très emballé au départ par le pitch et le casting, c’est avec plaisir que je suis allé le découvrir...

le 8 janv. 2015

24 j'aime

1

Invincible
JaviFou08
7

Et si Angie était enfin compte, une bonne réalisatrice ?

Invincible, réaliser par Angelina Jolie... Avec un scénario des frères Coen, et tiré d'une histoire vrai, une bande son magistral signé Alexandre Desplat (Godzilla, Argo, Discours d'un Roi.. ). Et...

le 7 janv. 2015

13 j'aime

3

Du même critique

Imitation Game
_Rosebud_
4

Pas très cinématographique tout ça

ATTENTION SPOILERS C’est la grosse cagade de début 2015. Avec son sujet béton et sa tête d’affiche, on s’en frottait les mains, se réjouissant à l’avance d’assister à un grand moment de cinéma. Et...

le 10 juin 2016

1 j'aime

1

Birdman
_Rosebud_
10

Magistral

“And what did you want? To call myself beloved, to feel myself beloved on the earth.” – Raymond Carver Gonflé, insolite, baroque, insolent, magnifique, extravagant, poétique, pathétique,...

le 10 juin 2016

1 j'aime