Anthologie de la poudre aux yeux
Roulements de tambour.
Introduction. Après la conflagration Avengers en 2012, monstre d'entertainment brillamment mise en scène et impeccablement dosé, parfait exemple du savoir-faire hollywoodien actuel en matière de blockbusters PG-13 ; après une excellente bande-annonce diffusée sur le web dans le courant de l'hiver ; après l'annonce que Shane Black était aux commandes ; et au regard de l'immense déception qu'avait été Iron Man 2, le public était en droit d'attendre beaucoup de ce troisième opus, au budget démesuré.
Fin des roulements de tambour. Sentence : mortelissime. Exactement. Magnifique, formidable ! C'était couru d'avance, comme The Dark Knight Rises, vous pensez bien ! (Attention : la phrase que vous venez de lire contenait un piège.) Voilà ce qui se dit. Près de 8 sur IMDB. Sacré score. Magnifique, formidable. Bon. Il faut croire que l'ardeur de l'attente obscurcit parfois le jugement du guerrier, et que ce dernier s'est mangé tous les panneaux d'IM3 sans broncher, car... IM3 est un plantage étonnamment spectaculaire, tant dans le fond que dans la forme. Car c'est le premier truc qui saute aux yeux : IM3 se paie le luxe d'être par moments moche. Les scènes d'action sont vite bordéliques au possible, parfois illisibles (on est TRES loin de la maitrise de l'espace des Avengers), et paient parfois le prix fort d'un script bien trop dense où tout se marche dessus, comme la scène d'Air Force One, qui a au final plus de gueule dans la bande-annonce !
IM2 avait déjà saoulé son monde en faisant basculer Tony Stark du mégalo gentiment chiant au mégalo antipathique et pas si séduisant que ça en fin de compte ; Avengers avait rétabli le tir ; IM3 le euh dérétablit en devenant un pur RDJ show, servi en bordel par un scénario bordélique. Un nom comme Shane Black était censé limiter la casse, sinon garantir le spectacle. IM3 devait être la fusion du savoir-faire du scénariste de L'Arme Fatale (mieux : du Dernier Samaritain, motherfuckers !) et de la machine de guerre starkienne. La morale dans cette histoire est qu'il vaut mieux laisser les années 80 là où elles sont. Dans IM3, l'humour n'accompagne pas l'action ; il la parasite, la vampirise. Surgissant de nulle part par sentiment de nécessité (sinon, le spectateur va s'emmerder), il tue l'émotion (dramatiquement, ça ne fonctionne donc pas du tout, y compris dans le climax final), tombe comme un cheveu sur la soupe, et se plante la moitié du temps (le gamin est un bon exemple de fausse bonne idée, qui tombe à plat au bout de deux minutes d'échanges bon enfant). De fait, le buddy-movie qu'est censé ressusciter le tandem Downey Jr/Cheadle n'est qu'une pâle copie du genre, d'abord parce que les deux acteurs ont peu d'alchimie (Terrence Howard était vraiment plus approprié au personnage, et RDJ est de toute façon bien trop égocentrique pour bien jouer avec des hommes), ensuite parce que leurs répliques tombent à plat une fois sur deux. IM3, c'est le cirque. Les super-guerriers en fusion donnent l'impression d'être dans une variante fantastique de Transformers. Le Mandarin, bad guy d'anthologie, est massacré par les scénaristes, au nom d'un twist pas si productif que ça. Le décor de la scène finale est tellement original qu'on se faisait la même remarque face au final tellement original de l'oubliable Agence Tous Risques. Le cirque, on vous dit.
Alors quoi ? Pourquoi pareille adulation ? Pour le charisme californien et le bouc irradiant de sa mégastar ? Rebecca Hall en pot-de-fleur-à-twist qu'on veut faire passer pour une prétendante tourmentée ? Guy Pearce en méchant caricatural et rasoir, alors qu'il avait fait un méchant caricatural si ludique dans Des Hommes sans Loi, quelques mois plus tôt ? La chtite Paltrow, qui passe son temps à pleurnicher ? Meh. Non. On a juste Iron Man. The allmighty. The only game in town. Le jouet est cassé, mais c'est Iron Man, quoi ! Tout le monde l'a ! Alors, le mot est passé, est toute résistance est futile. L'autoproclamé amateur de divertissement de qualité est à terre. Une petite voix fourbe lui sussure à l'oreille l'argument de vente finale : vu l'état du blockbuster hollywoodien en 2013 (déceptions critiques, plantages au BO), s'il veut être cool, il n'y aura pas grand chose d'autre en magasin. Yay, Iron Man.