Irrémédiable
5.5
Irrémédiable

Film de Carles Torras (2020)

Voir le film

Carles Torras fait partie de ces jeunes réalisateurs catalans remarqués dans les festivals (pour "Callback", son précédent film) et qui perpétuent le savoir-faire espagnol en matière de cinéma de genre, en tentant de l’élever dans des territoires un peu plus nobles que ceux de la satisfaction immédiate de notre goût pour les scènes choc et les frissons faciles. Mario Casas, de son côté, est le jeune acteur madrilène qui fait battre les cœurs féminins mais qui veut visiblement prouver qu’il est plus qu’un beau playboy, et qui a pris goût à interpréter des personnages pour le moins ambigus (on se souvient de son excellent rôle dans "l’Accusé", d’Oriol Paulo). Bref, deux personnalités singulières sans doute à la recherche d’une reconnaissance plus grande, et auxquelles Netflix donne une chance en produisant cet "Irrémédiable" ("El Practicante", en VO), qui a tout au départ d’un film de genre stéréotypé, mais se prend donc plus au sérieux que la moyenne.


Et dès le début du film, il est indéniable qu’on est - positivement - surpris par la sobriété de la mise en scène de Torras, mais surtout par l’intensité du jeu de Casas, qui semble s’identifier totalement à son personnage de pervers narcissique jouant avec sa petite amie, en respectant tous les codes de cette déviance malheureusement si commune. La description patiente – et très juste – de la relation toxique entre Angel, ex-ambulancier hémiplégique depuis un accident professionnel, et Vane, sa fiancée sexy mais de plus en plus distante, constitue la meilleure partie de Irrémédiable, et nous laisse espérer un excellent thriller psychologique… jusqu’à ce que, et c’est sans doute inévitable vues les attentes du public, il faille passer « à l’acte »…


A mi-film, on ne se préoccupe plus autant de la belle ambiance trouble et pour le moins perturbante créée jusque-là, et on va suivre les actes criminels d’Angel visant à récupérer cette fiancée qui a fini par lui échapper, jusqu’à une conclusion qui voit l’inévitable – et peut-être un peu politiquement correct, non ? – retournement des rôles… Soit un déroulement des plus conventionnels, qui reprend quasi exactement celui de l’excellent "Invisible Man", sorti plus tôt cette année, et traitait d’un sujet très similaire : le problème est que, si dans "Invisible Man", la toute-puissance que procurait au pervers narcissique sa technologie justifiait pleinement la menace qu’il représentait, on a ici au contraire beaucoup de mal à croire aux actes criminels audacieux d’un homme confiné dans sa chaise roulante. Et le scénario qui se met à multiplier les invraisemblances, à n’introduire des personnages secondaires que de manière utilitaire, ne rend guère "Irrémédiable" passionnant.


La faiblesse des autres personnages du film, à part Angel, qui reste impeccablement incarné par Casas jusqu’à la fin, est d’ailleurs sans doute, si l’on est honnête, le principal problème d’Irrémédiable. Déborah François, en particulier, ne convainc jamais, et on se demande ce qu’apporte le fait qu’elle soit française (l’actrice est belge…) : faute de pouvoir nous identifier aux souffrances de la victime du psychopathe, il ne nous reste plus qu’à regarder la fin du film avec un détachement se muant progressivement en indifférence.


Une fois de plus, on est passés à côté d’un bon film de divertissement qui aurait pu être mémorable et n’est qu’anecdotique.


[Critique écrite en 2020]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2020/09/21/netflix-irremediable-un-beau-pervers-narcissique-dans-un-film-sans-surprise/

EricDebarnot
6
Écrit par

Créée

le 20 sept. 2020

Critique lue 1.2K fois

4 j'aime

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

4

D'autres avis sur Irrémédiable

Irrémédiable
Mots_Passants
5

Critique de Irrémédiable par Mots_Passants

Un ”thriller” espagnol de Carles Torras avec dans les deux rôles principaux Mario Casas, déjà vu entre autres dans ”Contratiempo” de Oriol Paulo et Déborah François (”L’enfant” des frères Dardenne,...

le 17 sept. 2020

7 j'aime

1

Irrémédiable
EricDebarnot
6

Visible Man

Carles Torras fait partie de ces jeunes réalisateurs catalans remarqués dans les festivals (pour "Callback", son précédent film) et qui perpétuent le savoir-faire espagnol en matière de cinéma de...

le 20 sept. 2020

4 j'aime

Irrémédiable
Solona
4

Critique de Irrémédiable par Solona

Super macho est victime d'un accident qui le laisse paralyser. Déjà qu'il n'était pas clair avant , passer ses journées en fauteuil roulant , malgré la thérapie et les antidouleurs, il travaille...

le 18 févr. 2021

3 j'aime

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

204 j'aime

150

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

190 j'aime

104

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

184 j'aime

25