Il est drôle de voir que ce film réputé le moins "tarantinesque" des œuvres du cinéaste est et demeurera toujours à mes yeux l'une des plus accomplies, l'une des plus belles. Ce qu'il filme, par delà le polar revisité comme furent ces deux premiers longs-métrages, ce sont avant tout de longues conversations, qu'il étire, perçoit en plans fixes ou plans-séquences ultra élaborées, dont il cherche différents angles et incrustations au sein du tempo éblouissant de son récit, monte les étages de l'histoire, les descend, et tel un habile jeu d’ascenseurs, revient constamment sur une même situation, une heure écoulée dans la mécanique fluide et impeccable de son scénario. La mise en scène est peut être donc en ce sens la plus cohérente et la plus aboutie du cinéaste, mais ce qu'il ne réussit rien de mieux, finalement, c'est de fixer, de longues secondes, les bouches tristes de différents personnages, losers, paumés pouvant à peine baiser et se rappeler de l'endroit d'une voiture garée, petits caïds minables, femme déçue de sa vie ; qui tranquillement, poussés par l'amour qui naît, se mettent à rêver, décrochés de leur pessimiste lucidité, du moment où l'on pourra partir, tout recommencer, revivre sa vie du tout début. Leur passage, à tous, dans le champs ouvert de la caméra de Tarantino est une ronde triste et romantique, dont la fin tragiquement belle achève d'ancrer la certitude d'avoir sous nos yeux ce que le cinéaste a pu faire de mieux. Jackie Brown est pourtant peu cité dans cette catégorie, alors sans doute faudrait-il, et d'urgence, le reconsidérer. BO splendide.