Par la grande Bubunne, si vous avez lu le court synopsis ci-dessus (et je vous encourage à le faire, sinon à quoi ça sert que je m’emmerde à architecturer mes analyses, hein ?), vous savez que là on est dans le dur. Le Mont Ventoux de la comédie française. L’ascension de l’Himalaya par un jeune auteur français. L’apologie de l’ubuesque. Bref, on se trouve en plein dans un truc hors norme, et rien que pour ça, ça vaut le coup de se pencher dessus.

Déjà, Jacky n’est pas un film très ordinaire. Jacky est le fruit de l’imagination débordante d’un auteur extraordinaire, Riad Sattouf. C’est donc un film qui n’en est pas un, c’est un roman porté à l’écran. C’est le roman d’un univers étrange, la république de Bubunne, et de ses habitants. Critique d’autant plus satyrique qu’elle place les personnages dans une situation surréaliste : en effet, en Bubunne, les rôles des femmes et des hommes tels que stigmatisés dans bon nombre de cultures orientales, et en particulier de la Syrie pour ne pas la nommer, sont inversés. Les hommes sont donc vêtus de burkas (et je m’excuse au passage s’il s’agit d’un vêtement traditionnel autre, n’étant pas spécialiste de la mode ni de la région syrienne, je m’abstiendrais de tenter de rentrer dans les détails), la civilisation est arriérée, murs de boue et déités crétines sont au programme.

Etonnamment, il n’en faut pas plus pour faire rire. Sous une burka, donc, Didier Bourdon, Slim de Soda, et les beaux gosses Vincent et Anthony, ne font que rivaliser de mimiques surréalistes pour nous faire rire. Comme quoi, c’est facile de faire rire. En fait, ça devient même puissant de se dire qu’on rigole pour rien. Certaines scènes sont quasiment hypnotiques tellement elles sont iréelles, notamment l’entrée de la colonelle lors de la grande bubunerie. Personnellement, j’ai donc ri du début à la fin.

Si j’aime rire de bon cœur et avec légèreté, je suis quand même déçu par Jacky dans la mesure où il ne fait que peu dans la finesse. Si je comprends la démarche de tout singulariser pour créer un univers totalement décalé, j’ai eu du mal avec beaucoup d’éléments récurrents de la culture créée par Sattouf. Par exemple, le fait qu’un des personnages s’adonne à la contrebande de navets m’a laissé de marbre. Mais surtout, au-delà de ces détails, le film reste tout de même assez superficiel, malheureusement.

Je ne peux donc, malgré toutes les qualités que j’ai trouvé à Jacky, qui est un film audacieux, peut-être avant-gardiste pour ce que j’en sais, drôle, je trouve également qu’il y a de grosses lacunes : lisse, peu de profondeur, le film a du mal à se renouveler sur la durée et devient de plus en plus faible au fur et à mesure que l’on avance. La scène finale ne m’a ni ému ni fait rire par exemple, à l’inverse par exemple d’un film comme le Dictateur qui reste constant du début à la fin.

J’encourage néanmoins tout le monde à aller voir Jacky pour plein de raisons : c’est un film très original avec beaucoup de fraîcheur dedans, notamment au niveau réalisation, c’est un film qui est fait avec de la passion et de l’audace, jubilatoire et même psychédélique par moments. On ne passera pas un mauvais moment devant ce bon petit film qui a le mérite de ne pas se prendre au sérieux.

La morale : On a un réservoir de talents énormes en France. Il n’est pas nécessaire d’avoir fait la Comédie Française ou d’avoir été assistant-réalisateur pendant vingt ans pour faire de bonnes choses dès le plus jeune âge. C’est bien heureux de constater qu’il est possible de sortir des sentiers battus, de proposer d’autres films, des idées originales, bref de respirer un grand coup et de se faire plaisir.

La mention du critique : A William Lebghil. Franchement, ce mec est une machine à faire rire. Il a une tête géniale, tout passe bien avec lui. Il est excellent dans Jacky, comme d’habitude.
Orian_Gissler
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le 24 févr. 2014

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Orian Gissler

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