Je ne suis pas un homme facile
5.3
Je ne suis pas un homme facile

Film DTV (direct-to-video) de Eléonore Pourriat (2018)

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Damien, créateur d’applications pour mobiles et machiste au plus haut point, se retrouve en quelques secondes parachuté dans une société matriarcale et dominé par la femme qu’il convoitait…


Et si demain les femmes se mettaient à siffler les hommes dans la rue et à les juger jusque dans leur épilation ? Et que les stéréotypes masculins étaient soudainement inversés et appliqués aux femmes ? Je ne suis pas un homme facile offre ici la vision détonante et piquante de la réalisatrice française Eléonore Pourriat, repérée par le géant Netflix suite à son court métrage Majorité Opprimée (2010) qui lui a suggéré l’idée folle d’adapter ce court en long métrage et de le produire. Ce film montre, dans la continuité du mouvement #MeToo, la façon dont la société actuelle impose des normes à suivre et combien il est difficile de s’en défaire. Abordé non pas du point de vue d’une femme, mais de celui de Damien (Vincent Elbaz), qui, suite à un choc avec un poteau - alors qu’il faisait une réflexion à une femme dans la rue - devient confronté à une société dans laquelle Alexandra (Marie-Sophie Ferdane), qu’il draguait ouvertement, devient celle qui l’oppresse mais qui l’aime.


Dans ce monde que la réalisatrice met en scène, les femmes ont le pouvoir, mais sont aussi méprisantes que les hommes à qui elles ont affaire dans notre société. Présenté comme une comédie romantique, le film a un déroulement classique et sans accrocs, nos deux protagonistes tombent amoureux non pas sans difficultés, mais ses clichés sont ici totalement brisés puisque l’homme a le rôle de la femme, et inversement. Enchaînement et accumulation à l’extrême de scènes loufoques au limite du grossier (les réflexions que les femmes lancent à Damien sans gêne, le choc que celui-ci a quand il croise une femme topless dans la rue, mais aussi son épilation imposée en « ticket de métro »), le film rend compte des normes ridicules que l’on attribue trop souvent aux femmes, en les attribuant aux hommes, ce qui choque bien plus aisément un public n’ayant pas conscience de la façon dont notre société est genrée. On salue ensuite le nombre impressionnant de détails et de références dans le film, plus ou moins évidents à repérer (une citation du film Le Mépris version masculine, l’effet miroir entre l’histoire de Damien et la vie d’Alexandra, les nombreuses publicités de beauté tournées en dérision, etc.).


Le film au premier abord pourrait être pris comme simplement féministe, mais il remet également la question du genre au-delà des simples exemples vus dans le film. On parle ici d’attitude, de façon d’être, et comme Damien, et Alexandra, la situation nous amène à nous demander : Qu’est-ce qu’être un homme, ou une femme ? C’est une réelle déconstruction du genre que Pourriat amène avec ses femmes « masculines », ses hommes « féminins », et une fabuleuse scène de boîte de nuit en milieu de film, abordant pour la première fois du film des questions LGBT (la supposée homosexualité de Damien par Alexandra, et la chanteuse drag queen), nous faisant presque oublier que les femmes dominent tant le genre et ses stéréotypes semblent s’effacer de l’histoire, laissant place à une liberté (quasi) totale des attitudes des personnages.


On peut espérer de ce film - au-delà du rire provoqué et de son absurdité - qu’il portera une nouvelle réflexion sur la question du genre et du féminisme en France et dans le monde, autant chez les féministes que chez des néophytes prenant tout juste connaissance de l’ampleur de ce phénomène qu’est le sexisme. Et comme le dirait la célèbre Simone de Beauvoir, « On ne naît pas femme, on le devient ».


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amelieodt
7
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le 27 avr. 2018

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amelieodt

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