Antoine Garapon, magistrat, juriste et essayiste proposait dès 2017 une émission sur la justice restaurative sur France Culture, qui m’a permis de découvrir ce nouveau concept juridique venu du Canada. Celui-ci ouvre un autre horizon dans la relation coupable-victime, jadis fermée et se limitant au procès, et contribue à la guérison des plaies mentales causées tant par le délit ou crime subi que par le séjour en prison et la culpabilité de l’acte commis, limitant ainsi les chances de récidives. En effet, en écoutant la parole de l'autre, le point de vue s’élargit et surtout on découvre le visage – visage qu’il faut comprendre dans l’acception donnée par le philosophe Levinas, métaphorique et au-delà de toute apparence physique ou sensible : objet du dénuement de soi qui supplie le sujet, qui exige qu’on lui réponde et qu’on réponde de lui : exigence donc de responsabilité, de commandement moral. C’est de cette responsabilité dont il s’agit au fond dans Je verrai toujours vos visages.
Le sujet abordé par la cinéaste Jeanne Henry, pour la première fois me semble-t-il dans l’histoire du cinéma, a le mérite de faire découvrir au public une nouvelle perspective judiciaire, bénéfique à la société, qui, grâce aux mots et au dialogue aide à faire surgir des traumatismes, des peurs, des secrets parfois enfouis dans la conscience afin de mieux les soigner. La cinéaste en a tout à fait conscience : elle met ainsi le verbe au centre de son film et donne aux scènes de dialogues et d’échanges, sobrement mises en scène, la place centrale qu'elles méritent. Toutefois force est de constater que tant les dialogues, qui pêchent par une écriture peu recherchée, assez conventionnelle et stéréotypée, que le jeu extrêmement médiocre des acteurs pourtant confirmés, souvent membres de l’Académie Française, phagocytent l’idée de base. Il ne fait aucun doute qu’il faut chercher du côté de la cinéaste la responsabilité de ce mauvais jeu, tant il est clair que la direction d'acteurs constitue le point faible du film, qui nuit cruellement à la vraisemblance des scènes, à l'adhérence du spectateur et au réalisme des situations. Si l'on excepte Gilles Lellouche, voire Élodie Bouchez, les autres acteurs manquent sans conteste de naturel et semblent réciter leur texte avec une expression trop feinte des sentiments qui sonne faux.
Outre la question de la direction d'acteurs, il faut avouer que la mise en scène est assez plate. Certes le thème du verrou, illustrant le symbole du viol subi par le personnage de Chloé, est une trouvaille ingénieuse, ce symbole permettant également de signifier l'ouverture tant des victimes que des coupables, toutefois le reste se distingue par son manque d'audace et de recherche. La naïveté globale des bons sentiments et le côté racoleur du pathos viennent parachever le tout.
Un film qui aurait gagné davantage à être un documentaire.