Je veux seulement que vous m'aimiez ... Quel titre magnifique.
Surtout quand le prix de cet amour est purement pécuniaire. On ne cesse de compter dans Je veux seulement que vous m'aimiez. Les sous qu'il reste à la banque, les crédits ...etc. Jamais film de Fassbinder n'aura connu un ancrage aussi matériel, voire matérialiste.

Toute la force (tranquille) de Fassbinder, c'est de nous laisser dans une ambiguïté, qui n'est pourtant jamais affichée, jamais surfaite. Cette ambiguïté est la réponse à la question "Qui est responsable ?". Il y a dans tous les cas une part de culpabilité dans cette société, dépeinte comme profondément patriarcale et dans laquelle on peut crever la bouche ouverte. Voir ce superbe (mais court) plan-séquence au début du film : le mariage de Peter et de Erika. Le premier danse avec sa promise, le tout étant montré par le biais d'un travelling latéral qui ne dévoile qu'en dernier recours, la figure du père, écrasante (qu'en dirait Freud ? :reso: )qui lui vole aussitôt cette valse. C'est un des seuls moments de répit qu'offre le film, cette courte danse, un des seuls moments de bonheur réellement palpables.

La structure du film est proche de celle de Jeanne Dielman de Akerman : répétitive, jusqu'au dénouement final, point d'orgue de cette tragédie sociale, sordide.

Mais, il y a une ambiguïté dans le comportement du personnage. Le film n'est pas purement social et naturaliste. Il y a une part d'aveuglement et de crétinerie chez Peter, celle de croire que la consommation (on est sans arrêt dans la dépense) peut acheter le bonheur et l'affection d'autrui. A moins que ceci ne soit que le résultat d'une autre facette de cette même société, celle précisément qui met Peter dans ce même état d'idiotie consumériste ...

Dans tous les cas, Fassbinder réalise un film efficace où la critique sociale (qui pointe peut-être davantage encore que dans le Droit du plus fort ou Tous les autres s'appellent Ali), n'exclut pas une part de volontarisme dans les actions des personnages et où l'ancrage matérialiste du film permet une vraie empathie (on ressent comme rarement la gêne du personnage avec son entourage). Petit bémol sur les intertitres qui orientent trop le film moralement. Mais on peut pardonner à Fassbinder cette lourdeur lorsqu'il nous offre l'un de ses films les plus subtils à côté de ça.
Nwazayte
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le 21 nov. 2013

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Nwazayte

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