Jeunesse de Justine Malle : ô jeunesse ennemie !

Justine Malle, fille du célèbre cinéaste Louis Malle (Au revoir les enfants), passe à son tour derrière la caméra en dirigeant son premier film. Pour cette première incursion dans le monde du cinéma, la réalisatrice a choisi un sujet somme toute très original : elle-même. Baptisé « Jeunesse », le film laisse entendre qu’il sera une variation sur le thème adolescent ; il n’en est rien, ou presque, il sera juste une entreprise de déculpabilisation égocentré pour Justine Malle. Explications.

Juliette (comprenez Justine Malle) est une adolescente au parcours scolaire brillant. Etudiante en classe préparatoire aux grandes écoles, tout semble aller pour le mieux pour elle. Très proche de son père, Juliette doit malheureusement faire face à une terrible nouvelle, celui-ci est atteint par une maladie dégénérative et n’a plus beaucoup de temps à vivre. Effondrée, la jeune femme va devoir affronter la perte de ce père bien-aimé alors qu’elle est encore aux prises avec les affres de l’adolescence.

Tout porte à croire que Justine Malle avait besoin d’une catharsis, de se décharger d’une culpabilité qui la ronge depuis des années et la perte de son père, Louis Malle alors qu’elle était adolescente, tout comme le personnage de Juliette, alter-ego de la cinéaste. En effet, celle-ci ne sachant comment s’y prendre face à la maladie de son père, a décidé d’espacer de plus en plus ses visites jusqu’à ne quasiment plus le voir jusqu’à sa mort, sans l’accompagner. Cet aspect de l’histoire est plutôt bien amené, les deux comédiens campant respectivement Juliette et « le père » (Esther Garrel et Didier Bezace) se démenant pour donner corps à un scénario accumulant les poncifs. Et c’est là que ce long-métrage agace ; on a l’impression d’assister à un caprice d’adolescente privilégiée, ce qu’était Justine Malle, assurément. Se sentant coupable de ne pas être restée au chevet de son père mourant, celle-ci décide d’en faire un film et toute une machinerie se déploie pour qu’elle puisse rendre compte de sa souffrance. Sauf qu’à aucun moment on arrive à compatir avec cette adolescente insupportable, pourtant incarnée avec conviction par la jeune Esther Garrel. Le caprice étant bien visible quand Justine Malle décide de nous montrer ses premiers émois d’adolescentes. Alors que Juliette s’éprend d’un garçon de sa classe, une sorte de mélange entre un chanteur pour midinettes et Frédéric Beigbeder, une scène les montre sur le point de consommer leur relation. Cependant, la jeune femme commet l’erreur de révéler à son apollon de pacotille qu’elle est vierge. Celui-ci décide alors de planter là la damoiselle, déjà à moitié nue, le tout enfoncé par un dialogue pompeux et niais au possible. Nul doute que Justine Malle a sans doute subi une humiliation de la sorte, mais n’a pas su comment la transposer à l’écran pour captiver son audience. Pire encore, elle décide de prendre sa revanche en faisant passer tous les hommes rencontrés par la suite pour des goujats de première ; on est alors en droit de se demander si toute cette entreprise était réellement pour se détacher de la culpabilité envers son père ou alors pour étaler son inintéressante vie d’adolescente qui n’a d’autre souci que les garçons.

Force est de constater qu’être fille de ou fils de cinéaste ne fait pas de vous un un digne successeur. Justine Malle, en voulant s’inspirer de sa vie pour tisser une variation sur l’adolescence et la confrontation à la vraie vie et à la violence socialo-affectif, réussit juste l’exploit d’agacer le spectateur sans lui faire ressentir la moindre compassion pour ses personnages. Juliette est insupportable de niaiserie (il faut voir la scène où elle dit au garçon qui l’a repoussé qu’elle peut aussi bien le voir juste pour faire l’amour de temps en temps, être son objet sexuel, les féministes apprécieront). En espérant qu’Esther Garrel ne soit pas réellement comme ça dans la vraie vie car elle interprète Juliette de manière très juste et fait énormément d’efforts pour qu’on croit à ce personnage. Pourtant, Seul Didier Bezace (le père), plutôt émouvant, surnage dans ce film pas foncièrement mauvais mais vide de substance, filmé comme une série télévisée, c'est-à-dire sans aucun parti pris de mise en scène mais uniquement de la description. La cinéaste a donc réalisé son entreprise de déculpabilisation et de mise en avant de ses atermoiements insignifiants et peut donc retourner à une autre activité que celle de metteur en scène, en laissant tranquille la mémoire de ce père parti trop tôt, cinéaste accompli. La pudeur aurait voulu qu’elle n’en fasse pas une pseudo-fiction ; raconter son « traumatisme » dans un livre eut été amplement suffisant. Pour de vraies œuvres cinématographiques sur l’adolescence, on retournera voir du côté de Gus Van Sant ou de Larry Clark.
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le 1 juil. 2013

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Vincent Formica

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