JFK
7.5
JFK

Film de Oliver Stone (1991)

Just get me the election; I'll give you your damn war.

Alors oui, je partais déjà avec un petit à priori positif ; trois heures d'Oliver Stone, de théorie de complot et de Kevin Costner, j'en rêvais, JFK l'a fait. Et le produit final est exactement le film qui aurait du être tourné : assez grand public et didactique pour toucher un grand nombre, assez captivant et construit en enquête haletante pour lui éviter tout problème de rythme, assez engagé et couillu pour représenter un véritable acte citoyen de son auteur.

Oliver Stone, au-delà de la « simple » question de l'assassinat de JFK (spoiiiiiiiiil), pose l'autre question, bien plus délicate, de la vérité : faut-il tout sacrifier pour la vérité ? Certaines choses n'appartiennent t'elles pas au secret ?
Pour illustrer son propos, Stone couple donc l'enquête politico-judiciaire, qui conduira des soupçons légitimes sur à peu près tout l'appareil de renseignement états-uniens, à la lente détérioration de la relation du personnage principal avec sa famille, représentant le coût d'une telle initiative.
Dès l'introduction, Stone s'attelle à la thèse du complot politique : il utilise à outrance l'insertion d'images télévisées pour placer un contexte sombre pour l'Amérique, au faîte de sa puissance mais confrontée aux crises de Cuba, du Vietnam et au spectre de l'URSS. Selon lui, c'est donc la volonté de Kennedy de changer les choses, de vouloir quitter une logique de guerre pour rentrer dans une démarche d'apaisement, qui lui coûteront la vie : l'inertie du pays est terrible, et mécaniquement, Martin Luther King et Bobby Kennedy seront éliminés pour les exactes même raisons après lui. Et là, les loulous, je vous défie de ne pas verser votre larme à la mort de Bob.
Seul un homme, Jim Garrison (Costner, solide), veut rétablir la vérité ; le film est basé sur son livre, témoignage d'une enquête titanesque et vaine. Son investigation remonte les témoins et petits complices et l'expose aux pressions et menaces ; sa détermination est pourtant admirable, et malgré l'érosion de l'amour que lui porte sa femme (Sissy Spacek, charmante), la soif de vérité est plus forte. Nul doute que Garrison a validé ce film, tant il y apparaît comme un héros des temps modernes, peut être un poil trop d'ailleurs. Autour de l'enquête gravitent des seconds rôles excellents : Lee Harvey Oswald (Oldman, paumé) le bouc émissaire, Dave Ferrie (Pesci, excellent, et je ne suis pas un fan du bonhomme) le pion dans la machination, ou Willie O'Keefe (Bacon, pédé comme un phoque) le témoin privilégié. Tout ceci remonte vers une des têtes pensantes du complot, Clay Shaw (Tommy Lee Jones, inquiètant) dont le procès représente l'aboutissement de 2H30 de méandres judiciaires et institutionnels.

Ce procès justifie le film fleuve de Stone : les preuves sont implacables, la démarche du cinéaste glorifiée – mais bon, à raison - ; la démocratie est basée sur le savoir du peuple, le priver de ce savoir, c'est le priver de pouvoir, et c'est la fin de la démocratie. Et même si les enquêteurs finissent par comprendre que de leur vivant, ils ne sauront jamais la vérité, ils se battent pour les générations futures (symbolisées par les enfants de Garrison) et la pérennité de la République.
Stone nous offre une vraie histoire de gentils et de méchants à l'ancienne, mais ancrée dans le monde moderne ; les méchants n'ont pas de visages, à peine un nom ; les sheriffs ne courent plus après les bandits, les sheriffs SONT les bandits.
En illuminant une des zones les plus nébuleuses de l'histoire moderne, Stone livre un film complet au possible, cohérent dans sa prise de position, teinté d'un léger optimisme mais qui porte un regard froid, sans concession, sur son pays. Accuser deux présidents des Etats-Unis d'avoir envoyé des milliers de citoyens au Vietnam par profit, quand on est américain, c'est costaud ; et c'est une des vocations du cinéma.
Lucas Stagnette

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