Ce documentaire de 55 mn nous propose d’essayer d’apporter des réponses définitives à une mort sur laquelle on n’a eu très longtemps que des explications lacunaires : la mort de Jim Morrison à Paris le 3 juillet 1971. Bon, aucune révélation fracassante car pour l’essentiel on savait depuis quelques années ce qu’il s’était passé cette nuit-là. Mais ce documentaire apporte des témoignages vraiment intéressants de proches, de journalistes et d’artistes sur la personne de Morrison, en particulier ceux de Patrick Coutin, Sam Bernett, François Jouffa, Dominique Lamblin et la fille d’Agnès Varda et de Jacques Demy, un couple dont Morrison, fan de cinéma, était très proche (je l’ignorais). Il les avait rencontrés aux États-Unis alors que Demy était venu y tourner. Morrison s’était pris d’affection pour cette famille, discutait d’art et de poésie avec eux et quand leur fille de 10 ans l’a invité à son anniversaire eh bien…il est venu ! Il finit par s’effondrer ivre mort sur la table du goûter, déclenchant les rires des jeunes invitées. Car Morrison à 26 ans est déjà usé, vidé par tout ce cirque que les Doors sont devenus, accumulant les abus et provocations au grand dam des 3 autres membres. Lors des concerts de 1970, il n’est pas rare qu’il soit incapable de chanter, de se souvenir des paroles ou alors vaguement, insulte fréquemment le public…La fin des Doors est programmée.
Ils enregistrent un dernier (merveilleux) album, un magnifique chant du cygne qui sort en mars 1971, « L.A. Woman » et Morrison s’envole pour Paris avec son amie Pamela Courson, junkie notoire, afin de se consacrer à ce qu’il préfère, l’écriture et la poésie et d’essayer de se refaire une santé. Malheureusement, il plonge de plus en plus dans l’alcool (n’importe lesquels, il avale tout à la suite, bière, bourbon…), dans une spirale autodestructrice. Sa transformation physique est impressionnante : bouffi, énorme, barbu, il en devient méconnaissable même pour ceux qui l’avaient déjà croisé. Ses malaises de plus en plus graves se multiplient, le conduisant même jusqu’à l’Hôpital Américain de Neuilly. Les dernières photos prises de lui, émouvantes, quelques jours avant sa mort, le montre pourtant souriant et détendu, en train de visiter le château de Chantilly avec Pamela. La version officielle et très longtemps admise, a été celle donnée à la police par Pamela : Jim aurait pris un bain en rentrant dans la nuit du 2 au 3 juillet 71 et aurait fait une crise cardiaque dans la baignoire. C’est là que les pompiers appelés au petit matin vont le trouver, du sang coulant de ses narines. Aucune autopsie n’a été pratiquée…Pour Philippe Charlier, médecin légiste, le rapport rendu à l’époque est pour le moins léger et un examen approfondi des causes précises de la mort aurait dû être pratiqué.
La version non officielle, mais bien plus crédible, est aussi plus glauque et plus cynique et elle nous est racontée par Sam Bernett, patron de la boîte Le Rock’n’Roll Circus, fréquenté par la jetset du début des années 70 et Morrison en particulier. Ce dernier y a retrouvé 2 dealers ce soir-là, achetant l’héroïne pour Pamela, avant d’aller dans les toilettes la sniffer…Mort immédiate bien sûr, vu son état de délabrement. C’est là que Bernett le trouve effondré et déjà mort, après avoir appelé un copain médecin. Les types de la boîte, pour éviter une fermeture du lieu et des ennuis avec la police, ont décidé de le faire raccompagner chez lui, avec l’appui de Pamela, d’où la mise en scène de la baignoire. Loin d’une mort romantique et accidentelle, c’est en réalité une mort totalement sordide, d’un grand artiste parti à 27 ans et enterré à la va-vite dans le cimetière du Père-La chaise, 5 personnes étaient présentes dont le manager des Doors mais aucun des 3 membres. Il est enterré alors que sa mort n'a même pas encore été publique. Son dealer attitré était celui de la jetset parisienne, Jean de Breteuil, qui a fui Paris avec sa femme, Marianne Faithfull, pour Tanger. Il est mort la même année à 22 ans d’une overdose. Marianne Faithfull avait corroboré cette version des faits lors d’une interview il y a quelques années. Quant à Pamela, elle est morte elle aussi d’une overdose d’héroïne juste après être devenue officiellement « Mme Morrison » en 1974. Les 1ères minutes de ce documentaire nous racontaient globalement l’histoire des Doors et j’avais que j’ai eu un peu peur pour la suite mais elle s’est révélée vraiment digne d’intérêt.