Que reste-t-il de Sylvester Rambo ?

Que reste-t-il de Sylvester Stallone aujourd'hui? N'est-il plus bon qu'à incarner notre vision de l'Amérique conservatrice et va t'en guerre à travers la marionnette de Monsieur Sylvestre dans les guignols de l'info? Non, Sly, tout comme Rambo est un homme usé, cynique, gagné par l'amertume et la désillusion. Sa rédemption, qui aurait pu se poursuivre après le très bon Copland où il campait un petit shérif effacé, atteint de surdité, au milieu d'une bande de flics pourris il tente de la gagner à travers les deux personnages qui ont fait de lui ce qu'il est, Rocky Balboa et John Rambo. Bien que légèrement poussé, il n'était pas satisfait de la tournure qu'avaient prises ces sagas, Sly a voulu les clore sur une note positive.

Je laisserai là Rocky avec qui je n'ai jamais été familier.

Stallone, poussé par les studios à concrétiser ce projet pour lequel il était d'abord réticent n'avait pas le choix s'il voulait que son Rocky Balboa voit le jour. Aussi, avant de porter à nouveau le bandana de John J. Rambo, Stallone s'est laissé aller à la réflexion. Réalisateur, co-scénariste et acteur, il a décidé de camper un Rambo proche de lui.


John Rambo ?
Revenons rapidement sur les trois premiers Rambo.
Rambo, sorti en 1983 est un film intéressant à de nombreux égards, beaucoup plus que les deux suivants.

Ce film, plus dans la tradition des films des années 70 que de celle des blockbusters des 80's raconte avant tout, l'histoire d'un vétéran du Vietnam, thème encore peu abordé à l'époque. John Rambo se rend dans une petite ville du tréfonds des Etats-Unis pour y revoir un compagnon d'arme du Vietnam, arrivé là-bas, il apprends que ce dernier est mort des suites d'un cancer. Rambo se fait alors arrêté pour vagabondage par un shérif plus qu'abusif et cruel. Parti en héro, John Rambo est traité comme un chien, pour la population il n'est qu'un vagabond, une sorte de hippie dégénéré. Suite aux mauvais traitements que lui font subir les flics du coin, John Rambo perd le contrôle de lui-même et redevient la bête que la guerre du Vietnam a fait de lui déclenchant une sorte de guérilla plus que musclée dans ce village de rednecks. Il faudra l'intervention du "colonel", son ancien supérieur pour faire revenir la bête de guerre à la raison.
Rambo

Sorti en 1985, Rambo : la mission raconte l'histoire de Rambo contacté par le colonel pour aller sauver des soldats américains restés prisonniers au Vietnam. C'est la que la légende de Rambo et la transformation de "Rambo" en nom commun pour désigner la grosse brute armée jusqu'au dents commence.


Le n'importe quoi atteint son paroxysme avec Rambo 3 en 1988 où on décide cette fois d'envoyer Rambo en Afghanistan libérer son ami le colonel et faire la peau au méchant colonel russe qui le détient prisonnier. En 1988, Rambo touche le fond.



S, le maudit.

Stallone sur lui-même :
"Ce que je laisse comme empreinte au cinéma ? Je ne suis pas certain que l'on se souviendra de moi. Je crois que je suis un mélange de hauts et de bas, de yin et yang. Je crois que certains acteurs me regardent comme une chose archaïque appartenant à un passé révolu, enterré."

Agé, sur la pente descendante, Stallone n'a pas le choix dans le monde impitoyable de Hollywood. Dans le regard de Rambo perce celui de Stallone, la même sincérité, un regard qui semble chercher un pardon pour les erreurs du passé. Un Stallone qui aurait rêvé d'autre chose. Son rêve de longue date de réaliser un film sur la vie D'Edgar Allan Poe va enfin pouvoir se concrétiser.


Clairement, John Rambo est un film de la vieille école, rien que la police choisie pour les titres rappelle furieusement les années 1980. Ce film se démarque des films d'actions actuels par sa sobriété, l'absence totale d'effets numériques ou de cascades dignes de spiderman comme dans Casino Royal, le dernier James Bond, par exemple où les personnages sautent de grues en immeubles comme si de rien n'était. Non, John Rambo est un film à l'ancienne, mais sans les exagérations grotesques qu'on a pu voir dans les pires moments du cinéma d'action américain des années 1980 (dont Rambo 2 et 3 sont de bons exemples) où un seul homme en tuait trois cents autres avec un seul chargeur.Non, ici, beaucoup de violence, mais de la sobriété, de l'épure presque.



Sly :
" Rambo est vraiment devenu quelqu'un de cynique. Et moi aussi je suis devenu beaucoup plus cynique en vieillissant. Si vous regardez autour de vous, si vous cherchez la vérité et tout ce que l'on vous a promis quand vous étiez jeune, et bien vous réalisez que vous êtes encore loin de tout ceci et donc il y a comme un goût d'amertume et de frustration en vous. Rambo, dans ce film, a vraiment l'impression d'être un oublié de Dieu, de l'Amérique. Il veut vivre en exil et qu'on le laisse tranquille."


Rambo est un vrai sociopathe, il est inadapté à la société des hommes. C'est une bête qui ne connaît que la violence et ne sait répondre que par elle. Quand des évangélistes remplis de bons sentiments décident d'amener des médicaments, mais aussi (surtout?) des livres de prière à des villages birmans qui vivent sous la menace constante de l'armée, ils viennent trouver John Rambo qui s'est retiré dans le nord de la Thaïlande et capture des serpents pour un cirque à touriste afin d'arrondir ses fins de mois. Convaincu du caractère vain de leur projet, Rambo refuse d'abord de les aider. Mais une jeune femme du groupe réussit à le convaincre, car même s'il ne partage pas leur foi, quelque chose en elle force en lui le respect, peut-être une certaine innocence qu'il a perdue à jamais. Cette jeune femme, c'est Julie Benz, la petite copine de DEXTER dans la géniale série éponyme. Rambo accepte donc de leur faire traverser ce fleuve et de les emmener, tel Charon acceptant de les faire passer en enfer, dans ce pays en guerre civile depuis 60 ans (l'âge de Rambo et de Sylvester).

La nuit, les démons de Rambo (les échecs de Sly) viennent le hanter. Il entend de nouveau la voix du colonel, il est fait pour cela, il ne s'est jamais battu pour son pays, il s'est toujours battu pour lui. Rambo, la bête de guerre pour qui tuer est si facile, doit reprendre du service.
Live for nothing, or die for something. Your call. Vivre pour rien ou mourir pour quelque chose. À toi de voir.

Réplique, on le devine, déjà culte, mais dite avec tellement de franchise que ça naïveté flagrante ne nous empêche pas de savourer.

En sauvant ces missionnaires, Rambo réussit aussi à faire revivre une part de lui-même et au final décide de retourner vivre parmi les hommes, dans un endroit sauvage et reculé.


Un film violent, primitif où les personnages se laissent aller à la barbarie. L'un des films les plus violents que j'ai vu. Accentué encore par le fait qu'il n'y a pas d'effets numériques ou d'actions irréalistes qui placeraient le film dans le domaine de la supercherie évidente. Une violence justifiée pour Stallone, dans la mesure où il souhaitait faire un film contre la guerre, montrant les horreurs et la réalité insoutenable de ce qu'il se passe en Birmanie.
L'acteur qui joue le chef des soldats birmans étant d'ailleurs un rebelle birman de la tribu chrétienne des Karen, . Toute sa famille a été arrêtée par le pouvoir en place quand la junte militaire a connu sa participation au film. Les enfants mutilés que l'on voit dans le film sont les vraies victimes birmanes des mines posées par les militaires aux abords des villages et dans la jungle. Ce film était l'occasion pour eux d'attirer le regard vers leur pays et ce qui s'y passe.


Je crois sincèrement que ce qui sauve ce film (bien que la lecture d'une interview de Sly en plus de sa vision ne soit pas de trop pour s'en apercevoir) c'est la sincérité qui anime cet homme. À ce titre pour éviter un peu plus les sourires en coin lors de certaines répliques, je recommande sa vision en version originale sous-titrée. Malgré cela, on ne peut rien enlever à la réalisation à l'ancienne qui tranche avec ce que l'on peut voir d'habitude dans le genre.
MisterPH
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le 14 sept. 2012

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