Nouvelle sortie hommage à Takeshi Kitano de la part de Wild Side, ainsi que deuxième film de son auteur, Jugatsu est un concentré de ce qui fait la patte du cinéaste : violence crue, pitrerie, mélancolie et ruptures de ton. Une œuvre que son auteur chérit et qu’il convient de redécouvrir dans les belles conditions qu’offre cette édition.


Masaki, le héros, est un pompiste lunaire qui semble subir tout ce qui lui arrive. Au début du récit, sur le terrain de baseball, il subit la balle qu’on lui envoie et la rate à tous les coups. Au travail, il subit les remontrances de ses clients. Dans sa vie intime, là aussi, il subit, passif et incapable de faire le premier pas. Mais un jour, il décide de ne plus subir, et frappe un client yakuza qu’il trouve trop lent. Il se réveille, frappe, refuse sa condition. Il prend cette fois-ci la balle de plein fouet, mais il s’est trompé de cible. Courant alors un grave danger, il part à Okinawa à la recherche d’une arme pour se défendre, en espérant rectifier le tir.


Les coups pleuvent dans Jugatsu. Au milieu de scènes plus ou moins douces, plus ou moins lentes, il faut toujours s’attendre à voir un personnage se prendre un violent coup de poing dans la gueule. Ces coups sont toujours en ruptures avec ce qui précède, donnant au film un rythme étrange, burlesque, aussi foutraque que musicalement réglé comme une pendule. C’est que Kitano lui aussi cherche à frapper juste, à envoyer son coup, sa surprise au bon moment. Dans une hallucinante scène de karaoké, en plan séquence, on voit Kitano-acteur se relevant au moins deux fois pour taper exactement de la même manière une personne du bar, d’ailleurs on peut préciser qu’il lui explose une bouteille par deux fois sur l’arrière du crâne. La première fois n’était pas la bonne, il faut recommencer. On ne connaît pas vraiment la motivation de ces coups, comme on ne sait pas bien ce qui pousse Kitano, cinéaste, à changer constamment de ton, à malmener à ce point son spectateur entre mélancolie, violence et burlesque. Mais ce n’est pas l’explication qui compte. Ce qui importe c’est le coup en lui-même, et donc le rythme, l’implication qui en découle. Kitano, comme son personnage, ne frappe pas toujours juste. On est en droit de trouver Jugatsu un peu répétitif, pas totalement abouti. On peut aussi penser que certains reçoivent plus de coups que nécessaires, comme cette femme qui devient le souffre-douleur du personnage incarné par Kitano lui-même dans la deuxième moitié du long-métrage. Mais c’est de cette incertitude, de la dimension chaotique, autant que virtuose, de cette mise en scène que naît aussi le charme certain de ce deuxième film du cinéaste, confirmation d’un style à part et incroyablement reconnaissable après le premier essai Violent Cop (1989).


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PjeraZana
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le 15 févr. 2019

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