Application SensCritique : Une semaine après sa sortie, on fait le point ici.

30 ans après sa sortie, Jurassic Park est toujours le meilleur film de dinos jamais produit, ce qui est à la fois impressionnant et un peu triste, car le film n'est ni parfait ni indépassable. Il contient notamment pas mal de Spielbergueries qui m'agacent, trop d'enfants, et d'autres travers plus généralement propres au cinéma hollywoodien :


■ L'amour des enfants

■ Des Deus Ex Machina gros comme un T-Rex

■ Le suspens de remplissage (la jeep dans l'arbre, parce qu'on a épuisé le budget dinos)

■ Le délit de sale gueule / grossophobie


Thématiquement, Jurassic Park est un pur produit de son époque. On a beau être trois ans avant Dolly et la vague de terreur du clonage qui éclaboussera quelques scripts, post '96 (quelqu'un d'autre se souvient de "À l'aube du sixième jour" ?). On y parle d'ADN, de clonage et de gens qui se prennent pour Dieu. Spielberg prend toutes ces peurs existentielles et en fait un grand film familial grand public, malgré un chouilla de violence, ici et là ("Mr Arnold..?").


Le casting est fantastique :


■ Sam Neil a longtemps été mon acteur préféré, avant qu'il se reconvertisse du jour au lendemain à la viticulture.

■ Laura Dern passe le film dans un short trop court, mais n'en reste pas moins une femme d'action et l'égale de ses partenaires masculins, ce qui n'était pas forcément gagné à l'époque

■ Jeff Goldblum exsude un charisme magnétique malgré une coupe de cheveux devenue illégale l'année suivante, et nous offre la mythique scène de la chemise ouverte

■ Samuel L. Jackon ("Mr Arnold..?") n'a que deux minutes à l'écran mais s'efforce d'y paraitre le plus badass possible avec sa clope au bec et son air constipé.


Le plus choquant est de constater à quel point les effets spéciaux ont bien vieilli. Il s'agit d'un film de 1993 dont les scènes de créatures sont bien plus crédibles que Godzilla vs Kong sorti 30 ans plus tard avec un budget 3 fois supérieur. Sans entrer dans les détails, cela tient principalement à trois choses :


1- L'utilisation de robots et autres effets physiques, chaque fois que c'était possible, et un recours aux CGI uniquement pour les cas de force majeure. Comme dans un Top Gun Maverick, notre cerveau comprend bien qu'il a quelque chose de tangible à l'écran, et fait la différence entre ça et la bouillie de CGI devenue la norme dans tous les blockbusters Disney.


2- Des choix de mise en scène intelligents pour sublimer les effets spéciaux, toujours tourner à hauteur d'homme et dissimuler autant que possible les coutures, qu'elles soient physiques ou numériques.


3- Une certaine retenue que beaucoup de blockbusters ont totalement perdu en demandant n'importe quoi à leurs équipes d'effets spéciaux, sans se demander si ça va ressembler à quelque chose.


J'aime les listes.


o o o


Au-delà de ces considérations, Spielberg respecte ses créatures. Il prend son temps pour les dévoiler et parvient à faire naitre un émerveillement qui fait encore son petit effet en découvrant le film aujourd'hui.


Je me suis demandé pourquoi cet émerveillement s'était perdu, alors qu'on continue de me montrer des images toujours plus détaillées et techniquement abouties. Est-on devenu anesthésié aux VFX et difficiles à impressionner ? Et qu'est-ce que ça vient foutre dans une critique de Jurassic Park, alors que ce n'est pas ce pour quoi vous aviez signé ?


Ce qui ne m'impressionne plus, c'est l'étalage vulgaire et sans retenue d'images visuellement fausses et imparfaites qui pètent plus haut que leur cul, mais n'ont aucun impact émotionnel. C'est Godzilla qui tabasse Kong au milieu de l'océan à côté d'un porte-avions en flammes, mais tout bouge avec une telle fluidité que mon cerveau me dit que rien n'est vrai, et que la caméra flotte au milieu de nulle part parce qu'elle n'est tenue par personne.


o o o


À l'inverse, Jurassic Park prend le temps de se concentrer sur l'émotion ressentie par ses personnages, effarés par ce qu'ils découvrent, et cette émotion est communicative. On se retrouve avec plus de plans sur des bouches bées et des yeux écarquillés que de plans avec des dinosaures, mais quand ces gros plans sont sur Neil, Dern ou Goldblum, j'en redemande.


Jurassic Park est aussi une belle leçon de mise en scène, de cadrage, de rythme, et même - plus modestement - d'écriture et de développement de personnage. C'est un film haletant, parfois trop pour nous laisser le temps de reprendre notre souffle.


Après une telle entrée en matière, j'essaye encore d'oublier qu'il a eu des suites et qu’une gamine y combattait des Raptors grâce au pouvoir de la gymnastique.

Ezhaac
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le 9 mars 2024

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Ezhaac

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