Comme l'a fort justement dit mon ami Antoine, il s'agit probablement ici de la plus forte proposition de cinéma à voir le jour depuis la découverte du cinéma de Weerasethakul. Incroyable qu'à 26 ans, un jeune homme arrive à proposer un premier film aussi réussi, rempli de promesses qui sont toutes tenues, et qui même dépasse les espérances qu'on pourrait avoir. Ce film est un remake chinois du Stalker de Tarkovski, avec des enjeux différents et une finalité opposée, mais avec une approche du cinéma totalement similaire. Celle du rêve, de la gestion de la temporalité propre et indépendante, et de cette frontière toujours mouvante entre l'espace et le temps. j'ai aussi pensé à Profession Reporter, à Rome plutôt que vous, le premier Teguia et même à Inland Empire (je ne sais pas pourquoi, les films n'ont rien à voir, mais je n'ai pas arrêté d'y penser malgré tout). Il y a un plan séquence hallucinant au milieu du film qui dure 45 minutes. Eh bien sachez que je ne m'en suis pas rendu compte ! enfin, j'ai bien vu la virtuosité de la caméra, la mise en scène d'une vivacité incroyable, mais c'est tellement bien intégré au film, tellement justifié par la mise en scène, que je n'ai pas vu le plan, je ne sais pas quand il commence, quand il finit. Bref, c'est tout le contraire de l'épate gratuite de l'affreux Birdman... Un mot sur la fin du film, que je trouve absolument remarquable et qui vient terminer de convaincre les plus réticents : l'atrocité est désamorcée, on retombe sur quelque chose de doux, de tendre. Et à l'instar de la chambre des désirs de la version Tarkovski, on n'y pénètre pas dans cette chambre : le pire est évité pour le garçon, on ne rencontre pas le vieil homme, mais son esprit est toujours là... Ah, et la Chine, pour finir : Gan Bi (retenez bien ce nom, c'est le futur plus grand cinéaste du monde) la filme magnifiquement, un peu comme Weerasethakul filme la Thaïlande, on est proche de tout, des gens, de la nature, du moindre animal, objet, de la moindre moto. Il nous montre ce pays gigantesque qui peut effrayer par sa taille par une échelle à hauteur d'homme. On traverse un pont, on se perd dans les ruelles des villages, on est avec les gens, on vit littéralement à l'intérieur du film. Preuve en est : je n'ai qu'une envie : le revoir.

FrankyFockers
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le 26 avr. 2016

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FrankyFockers

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