Kiki la petite sorcière est un film d’animation de Miyazaki, très doux : pas de grands dangers, pas de défis hors du commun, pas de monstres fantastiques, ni de méchants à combattre. Juste une petite fille des plus ordinaires… si ce n’est qu’elle vole sur un balai, car elle est une sorcière. Même la musique diffère de ce qu’on a l’habitude d’entendre dans les œuvres miyazakiennes : les cordes sont moins dominantes et on entend davantage des thèmes légers et fantaisistes. Joe Hisaishi utilise ici un registre plus pop, jazz ou variété douce, avec des touches instrumentales surprenantes (trombone, castagnettes, piano électrique…), ce qui colle très bien avec la tonalité du film : quotidien et adolescent.
Le défi auquel elle est confrontée n’est pas de sauver le monde, mais de faire ce que font tous les jeunes sorciers : prendre son envol – au sens propre comme au figuré – à l’âge de 13 ans, et apprendre à se débrouiller seule. Il s’agit de se faire une place parmi les humains « ordinaires », de trouver comment gagner sa vie. C’est, au fond, l’histoire de chacun et chacune au moment où l’on prend son autonomie.
C’est donc un film reposant, aux dessins bucoliques, avec une ville et des personnages tout simples. Et ce que nous suivons, c’est le parcours d’une jeune fille qui entre dans l’adolescence et se prépare à devenir adulte. La magie ne règle pas tout – bien au contraire : elle oblige à devenir responsable du don reçu. Kiki doit monter un projet économique : proposer un service de livraison sur balai volant, faire ses preuves comme tout le monde, inspirer confiance. Elle se heurte à des obstacles, au doute sur elle-même, au point d’être affectée et de perdre son don. Le découragement la gagne. Elle découvre peu à peu que sa valeur ne se limite pas à ce don, mais tient à ce qu’elle est. Et quand elle perd son pouvoir, elle croit n’être plus personne.
Ce chemin de Kiki est très personnel : elle advient à elle-même en osant suivre ses intuitions. Mais elle n’est pas seule. Tout chemin humain fécond est un chemin accompagné. Il y a son chat Jiji, qui symbolise son lien à l’enfance et à l’imaginaire ; la boulangère qui lui offre un toit ; Tombo, le petit garçon qui gagne sa confiance ; et enfin l’artiste peintre, qui comprend son désarroi et l’aide à le traverser. Une vie accomplie est une vie reliée. Kiki la petite sorcière l’illustre joliment.
C’est sans doute le film de Miyazaki le plus adapté aux enfants – tout en parlant aussi aux adultes. Le réalisateur sait glisser dans toutes ses œuvres une dimension de profondeur : ce n’est jamais du simple divertissement.