Noël, période idyllique :
Votre corps est tourmenté par la rudesse hivernale, mais l’approche des fêtes vous réchauffe le cœur. Les arbres s’illuminent, les familles s’attablent et dégustent une kyrielle de mets exquis. Le fidèle golden retriever de vos parents, l’adorable Bootsy, réchauffe ses pattounes au coin du feu. Ah… Noël.


Noël, période merdique :
Cette saloperie de musique pseudo-festive vous viole les oreilles pour la 23ème fois aujourd’hui. Vous êtes perdu dans un centre-commercial, dans lequel vous claquez votre argent (durement gagné) en cadeaux médiocres que vos proches ingrats s’empresseront de revendre sur leboncoin. Ce soir, vous boirez des hectolitres de vinasse pour supporter les commérages de votre tante Luce, tandis qu’un bichon débile s’évertuera à frotter ses organes génitaux sur votre jambe. Ah… Noël.


Tel est le cadre dans lequel prend place Krampus, le nouveau long-métrage du réalisateur de Trick ‘r Treat : Michael Dougherty. Puisant dans le folklore des régions alpines (Krampus est l’alter ego démonique de Saint Nicolas), le film narre l’histoire de Max, un jeune garçon ayant de plus en plus de mal à croire en la magie de Noël. Introverti, il vit avec ses parents, Tom et Sarah, sa grande sœur, Beth, et sa grand-mère germanophone, Omi. La famille reçoit pour les fêtes l’oncle Howard et la tante Lisa, ainsi que leurs enfants et l’insupportable Dorothy : une tribu de white trash farouchement pro-armes, sortes d’électeurs caricaturaux de Trump. Martyrisé par ses cousines, Max fait le souhait que ses proches disparaissent en déchirant la lettre qu’il avait écrite au Père Noël… L’abominable Krampus viendra exaucer son vœu.


N'est-ce rien de plus qu'un conte horrifique à la croisée des Gremlins, de Maman, j’ai raté l’avion et de l’univers acidulé de Tim Burton ? Mêlant humour et effroi gentillet, Michael Dougherty et ses coscénaristes, Todd Casey et Zach Shields, donnent vie à une série de personnages archétypaux, aussi imparfaits qu’attachants, évoluant dans un environnement cotonneux généré par une direction artistique remarquable. Du reste, des péripéties s’enchaînent dans un récit parfois verbeux (car destiné à un jeune public ?) avant de laisser place à une conclusion aisément prédictible. Une infimité de surprises, donc, pour ce Krampus, malgré une mise en scène admirable des phases d’expositions. Pourtant…
Assez rapidement, le spectateur attentif, oreilles dressées tel un renard au pelage incandescent, réalisera que l’utilisation systématique de clichés ne vise qu’à éveiller une certaine nostalgie… Non content de glaner un jeune public, Michael Dougherty s’adresse également aux grands enfants que nous sommes avec assez de talent pour ne pas rendre – c’est assez rare pour le souligner -, cette madeleine de Proust écœurante. Au-delà de protagonistes stéréotypés (de la vieille tante alcoolique élevée au rang de comic-relief à la grand-mère mystérieuse, en passant par le couple qui peine à entretenir sa flamme), Krampus est chargé d’images charmeuses : l’œuvre allie (avec une certaine audace) un bestiaire savoureusement old-school fait de marionnettes, d’animatroniques et d’acteurs costumés à une séquence d’animation gothique et à des décors majestueux. D’aucuns trouveront là les principaux atouts d’un long-métrage passionné et pétri d’intentions louables : Krampus porte un message aussi simpliste qu’universel et désire divertir sans user d’artifices outranciers ; l’hommage rendu aux productions horrifiques (ou non) de Noël est total et déborde de respect. Seulement, le film est loin d’être exempt de défauts.


À force de vouloir plaire au plus grand nombre, Michael Dougherty ne parvient pas à trouver un équilibre entre les percées humoristiques de Krampus et son emploi d’une imagerie parfois anxiogène. En résulte une œuvre ni vraiment drôle, ni vraiment effrayante, qui s’avère par moments désespérément austère. D’autre part, si le recours à des effets spéciaux mécaniques est absolument appréciable, le cinéaste s’évertue à les filmer en gros plans, sous une lumière terne et en multipliant les coupes. Certains argueront que cette pratique n’a pour but que d’accentuer une éventuelle tension, les plus honnêtes souligneront le fait qu’elle constitue (avant tout) un cache-misère… Enfin, si le casting de Krampus met en avant une poignée d’excellents acteurs (Adam Scott, Toni Collette, David Koechner) livrant des performances honnêtes, le spectateur exigeant regrettera leur manque flagrant d’alchimie, sans doute provoqué par leur enfermement dans des personnages unidimensionnels, mettant en avant un trait de personnalité ingrat pour camoufler une bonté bien enfouie. Soit. Krampus demeure malgré tout un divertissement familial susceptible d’égayer vos fêtes de fin d’années (remercions, à ce sujet, les distributeurs français qui ont choisi de sortir le métrage en mai). Il fait partie de cette catégorie de films réconfortants, aux imperfections émouvantes, qu’il convient de regarder sous une couverture douillette (avec un chocolat chaud, des tartines et du whisky), en rentrant d’un entraînement de kali-eskrima.


Il mérite d’être vu, ne serait-ce que pour cette raison.

MDCXCVII
7
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le 5 juin 2016

Critique lue 274 fois

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