« Kuessipan », une chaleureuse histoire d'amitié venue du Grand Nord québécois !

Initialement prévu pour une sortie française le 13 mai 2020, mais contrarié par la pandémie de covid-19, c'est, enfin, ce 7 juillet 2021 qu'est sorti le film « Kuessipan », de la réalisatrice québécoise Myriam Verreault, et dont nous faisons notre « film de la semaine », avec présentation et critique.


« Kuessipan », film initié en 2012, sorti en salle dans son pays d'origine – le Canada -, le 4 octobre 2019 (après sa présentation, en avant-première, au festival international du film de Toronto le 6 septembre de la même année), fait donc parti de ces œuvres cinématographiques qui ont mis longtemps à maturer, à créer, avec tous les tracas inhérents à ceux-ci, mais qui a finalement vu le jour parce qu'il y avait la certitude que le projet valait la peine que l'on se donnait pour l'enfanter avec le cœur.


Très largement inspiré du roman éponyme de Naomi Fontaine, sorti en 2011 chez le très précieux, car très méritant, par sa ligne éditorial, éditeur « Mémoire d'encrier », le scenario de « Kuessipan » a été écrit par la réalisatrice et l'auteure du roman, s'appuyant, également, sur le temps passé à vivre parmi la population autochtone innue de la réserve du nom d'Uashat. Ce temps passé au sein de cette communauté fut d'autant plus essentiel que, à l'exception de l'acteur interprétant le « cheum » (« petit copain », en français québécois – ndlr) de l'héroïne, tous les interprètes de ce long métrage sont originaire de la réserve, y compris l'actrice principale qui, cependant, a une connaissance professionnelle et artistique du cinéma puisqu'elle est, entre autres activités, réalisatrice.


Synopsis :


Mikuan et Shaniss, deux amies inséparables dès l'enfance, se promettent de toujours rester ensemble coûte que coûte. Leur relation vacille lorsque, à l'âge de 17 ans, Mikuan tombe amoureuse d'un blanc et commence à rêver à un futur en dehors de la réserve.


Notre avis :


Ce qui marque, avant tout, dans « Kuessipan » - quatrième long métrage (mais seconde fiction) de la réalisatrice Myriam Verreault, c'est la sincérité. Sincérité des interprètes, des non-professionnels mais concernés au premier chef par l'histoire, puisque de l'ethnie innue et originaires de la réserve autochtone où se déroule, dans sa quasi totalité, l'intrigue, et qui sont, impressionnants de justesse et de naturel (le naturel étant loin d'être, simplement, le fait de jouer son propre rôle, et qui nécéssite une véritable implication dans son « non »-personnage). Sincérité dans le scénario, qui montre, sans pathos, sans apitoiement, sans misérabilisme, la réalité de la vie de cette communauté, tout en étant capable de nous présenter un « désir d'ailleurs » par le personnage principal, Mikuan, très justement interprétée par l'artiste Sharon Fontaine-Ishpatao. Sincérité, toujours, dans la réalisation de Myriam Verreault, qui a pris le parti – et le pari - de ne pas nous proposer un film très axé sur l’esthétique, avec des cadrages, des éclairages, comme de véritables tableaux/photos d'Art (seuls 3 ou 4 « effets cinématographique » sont présents dans le film), mais de faire un film narratif, afin de ne pas manquer l'essentiel de son propos.


Cette orientation de la réalisation est pleinement réussie. Nous en voulons pour preuve notre propre goût cinématographique que, quiconque nous lit régulièrement, sait particulièrement sensible au travail sur des cadrages très précis, très « graphiques », « symboliques », aux éclairages très travaillés. Ors, bien qu'étant toujours à l'affût de ces éléments, pendant tout visionnage d'un film, nous nous sommes laissé totalement happé par la narration de cette histoire faite d'amour profond entre ces deux jeunes femmes, depuis leur enfance – qui est une véritable sororité loin des visions et définitions galvaudées par un féminisme idéologique ayant le vent en poupe à notre époque -, mais posant, également, des questions de ce que sont : la Liberté, la communauté, l'héritage, la Culture, mais, tout autant, du Racisme, qu'il soit de la part des uns et des autres, notant, simplement, les effets esthétiques, lorsqu'ils apparentaient – comme le plan, à quelques minutes de la fin du film, avec la vision de Shaniss, l'amie « laissée sur place » pour aller de l'avant dans la vie, de la part de l’héroïne, mais dont l'attention de cette dernière sera toujours orientée vers cette amie, que l'on comprend avec l'usage du rétroviseur du véhicule qui emporte Mikuan.


Un autre élément important dans la qualité de « Kuessipan » est sa bande-son, sa musique, pour laquelle Myriam Verreault, répartie en trois grandes « lignes » : une musique traditionnelle innue très présente par les chants interprétés par les personnages ; la musique electro-pop qu'écoute l'héroïne, et une musique originale pour laquelle elle a finit par faire appel (après un temps d'hésitation) à un artiste québécois de grand renom dans son pays, à savoir, l'auteur-compositeur-interprète Louis-jean Cormier, lui-même originaire de la région où se déroule le propos du film, puisque né à Sept-îles, dont la notoriété n'a pas fait obstacle à sa mise au service de besoins, de la vision, de la réalisatrice qui, avait, initialement, été « dubitative », selon son propre terme, lorsque la productrice lui en avait fait la suggestion. Le tout s'harmonise très bien et évite de nous faire sentir dans un film « folklorique ».


Bien d'autres choses pourraient être dites en faveur de Kuessipan », mais trop d'éléments, d'arguments pouvant, tout autant, réduire l'intérêt du lecteur, nous préférons conclure par la traduction du titre du film qui, dans le cas présent, est parfaitement approprié puisque « Kuessipan » signifie « A toi », « A ton tour ». Et c'est bien ce que nous vous lançons comme message : « A votre tour...d'aller dans les salles pour découvrir ce très beau film qu'est « Kuessipan » !


Christian Estevez


Critique publiée sur le site de "FemmeS du Monde magazine"
https://femme-s-dumonde.com/

ChristianEstevez
8

Créée

le 16 juil. 2021

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