Kwaidan est un film réalisé par Masaki Kobayashi, centré sur des récits (kaidan) traditionnels de fantômes japonais (yūrei), à la croisée de l'épouvante, du théâtre Kabuki et du folklore japonais. Ces esprits suscitent fascination et font l'objet de récits innombrables au Japon depuis la nuit des temps, comme avec le fameux jeu oral japonais "Hyakumonogatari Kaidankai" datant de l'époque d'Edo. Kobayashi nous conte quatre histoires, inspirées de l'écrivain Lafcadio Hearn, dérangeantes, surprenantes, et pour certaines, emplies d'une poésie qui marque le spectateur grâce à la beauté de la mise en scène et de la photographie. Je voudrais également revenir sur les décors, parfois volontairement artificiels et surréalistes, que je trouve sublimes et très immersifs. Ils invitent à la contemplation, et leur beauté presque onirique accentue l'impression d'être hors du temps. La lenteur du film devient alors presque anecdotique. Les dialogues, parfois minimalistes, laissent toute la place à la mise en scène et aux quelques notes de musique, qui suffisent à nous happer dans la profondeur du récit. Nous en apprenons également beaucoup sur la culture japonaise, à travers certaines pratiques traditionnelles, comme celle de se noircir les dents pour se protéger des mauvais esprits (Ohaguro), ou celle de se raser les sourcils pour les redessiner plus haut sur le front, afin de ne laisser transparaître aucune émotion. Je voudrais également m'attarder sur l'histoire de "Hoichi sans oreilles" et son magnifique biwa, dont les notes résonnent tout au long de l'histoire. J'ai été profondément marqué par la sagesse et la simplicité de ce jeune homme, sollicité par les esprits pour faire revivre la guerre de Genpei (Heike Monogatari) en musique. Il subira un sort tragique, mais obtiendra, par son art et son dévouement à celui-ci, une profonde reconnaissance. Mention honorable pour "La femme des neiges" (Yuki-onna), qui m'a également beaucoup plu. La beauté des décors frappe particulièrement : ce ciel changeant qui observe le protagoniste, pour des raisons que je ne dévoilerais pas ici, l'immersion dans un Edo presque idyllique, et enfin une chute, certes prévisible, à la fois touchante et terrifiante. En clair, Kwaidan est à mes yeux un chef d'oeuvre du cinéma japonais, envoûtant et profondément marquant.