Hymne à la liberté

Expérimental, intellectuel et fondamentalement libre, L'académie des Muses, à la naissance duquel le spectateur assiste comme si le film était réel, sourd du bord de la parole et s'élève vers des lèvres chantant le désir.

Formellement poétique, mettant à distance toute volonté de raconter au détriment du pur chant, Guerin commence par nous égarer à travers une introduction théorique, scolaire, dense et éprouvante, sans charme esthétique à proprement parler ni mise en scène recherchée, en filmant un amphithéâtre où l'excellent Raffaele Pinto disserte sur Dante, les muses, l'amour, le désir - entre autres. Hésitant, le spectateur se demande s'il s'agit d'un documentaire ou d'un film dont les acteurs improvisent à partir d'une trame préalablement définie, dans le style rohmérien.

Voilà, nous semble-t-il, le plus grand mérite de Guérin: à mesure qu'il cherche son film, il parvient à nous surprendre, à nous dérouter, à nous faire douter avant de donner un corps à l'informe. Car, à partir d'un matériau fait de scènes réelles dont les personnages ne sont qu'eux-mêmes, il finit par broder un récit qui peu à peu naît sous nos yeux, récit n'étant que la réal-isation des discours du début. Amour, jalousie, désir et liberté au-dessus de la morale, ... tout cela est matérialisé dans les rapports qui se nouent et se dénouent entre les personnages / acteurs parmi des intimités humides et chaleureuses.

Entre réalité et fiction donc, entre le dedans et le dehors (comme le suggèrent les nombreux plans filmés sur des vitres), entre le "je" et l'autre, l'académie des muses est avant tout un hymne à la liberté, une ouverture sur les possibilités infinies du cinéma, une incitation pour tous ceux touchés par la grâce des Muses à se livrer au fascinant vertige de la création.