On ne voit pas le couple légitime de l'Avenir s'autoriser des marques de tendresse l'un envers l'autre, on ne les voit pas faire l'amour, se faire l'amour, on ne les voit pas faire chambre commune, on les voit se croiser, on les voit presque passer l'un près de l'autre, de moins en moins discuter, de moins en moins s'entendre et s'écouter, on voit leur couple s'estomper puis disparaître, on voit le vide, le fossé que l'un l'autre creusent entre eux, on voit leur avenir non-commun se profiler, différent pour chacun d'eux, on voit par les yeux éberlués et embués d'Isabelle Huppert et de manière fugace le mari témoigner à sa maîtresse toute la passion qui semble si lointaine pour l'épouse, passion anéantie, passion que le temps a tuée, et que l'avenir ne proposera plus, du moins c'est ainsi que l'épouse se voit : en femme de raison et de raisonnable dépourvue de passion, d'amour, de charnel, en femme-mère, en femme-grand-mère, en femme-fille, mais plus en maîtresse, plus en amante, plus en corps à se faire aimer, à se faire savourer, seulement nourrie d'une activité intellectuelle incessante dont on lui ampute finalement une part considérable - la direction d'une collection d'essais philosophiques. Avant d'éclater on voit le couple légitime légitimer sa relation par l'existence de cette bibliothèque commune - centre de leur monde - où cohabitent les livres de chacun et qui finira elle aussi par être amputée, par disparaître en partie, éclatée, coupée en deux par le partage irréversible du divorce, par la séparation de biens consommée topographiquement en somme.
L'Avenir est-ce l'avenir sans qualité et tout tracé réservé à Nathalie, comme à présent enfermée dans sa vie, dans ses copies à corriger, dans ses cours, dans ses lectures ( tout ce qu'elle considère comme sa richesse, sa profondeur, son but) mais comme privée ou voulant se priver de projets sentimentaux, de chair, de sensuel, comme reléguée alors au rang de spectatrice de son existence sans saveur, comme dépassée, comme cassée, et ne semblant au bout du compte ne plus comprendre la marche insensée du monde.