Derrière ce titre énigmatique mais ô combien joli se cache un film puissant mais pourtant fait de petits riens, de fragments de vie(s), de moment partagés, de dialogues humains, de scènes de vacances... A la manière de films comme Ce sentiment de l'été ou Her, L'Avenir nous balade, avec l'envie que cette balade dure infiniment, dans la vie d'un être, que la réalisatrice a méticuleusement choisie : une femme, d'abord, une mère, ensuite, une épouse, encore, une intellectuelle surtout.
Enfin, "surtout"... non peut-être pas... car face à ce plan final, dont on reparlera, on peut se poser des questions.
Une intellectuelle, c'est vrai, mais au fond ce n'est pas ce qui prime, car lorsque, confrontée au bouillonnement révolutionnaire (et si actuel !) d'une jeunesse de gauche (qui décidément fascine les réalisateurs français, d'Assayas à Klapisch), elle ne pipe mot, elle qui a tout vécu et que la vie, dans ses tressautements, renvoie toujours au principal et à l'évidence.
Cette femme c'est la magistrale Isabelle Huppert qui la porte et avec elle le film (presque) entier. En femme qui accepte son destin et se libère, elle est magnifique, et presque méconnaissable, tant elle s'écarte, à dessein, de l'image de bourgeoise frigorifique qui lui colle à la peau, et se fait naturelle, femme aimante et aimée, mère adorable, que l'on pourrait avoir pour proche, pour amie. Elle est touchante comme jamais, maladroite parfois. Et c'est puissant car cela vient d'une des plus célèbres actrices françaises, d'un monstre sacré, d'une travailleuse hors-pair à qui on ne la fait plus depuis longtemps.
Elle est sublimée par l'image maîtrisée, en retenue mais fine et juste d'une Mia Hansen-Løve qui retrouve sa pêche (après le mou et brouillon Eden), maniant avec grâce les travellings et les mouvements légers et permanents qui donne la sensation que sa caméra lévite. Sans user de la caméra à l'épaule ou de gros plans abusifs, elle reste au plus près de l'humain, au plus près de ses personnages, et se promène dans leurs vies comme dans leurs appartements.


Une femme dirige une femme et le résultat n'en est que plus gracieux ; le regard porté sur une société et sur la vie d'une femme d'âge mûr est juste, taiseux parfois, discret mais fort, aussi drôle que mélancolique, léger que tragique. C'est beau, tout simplement.


L'avenir ce pourrait être cette jongle subtile entre les différentes générations (le mari, les enfants, les élèves actuels, l'ancien élève, la mère malade, le petit fils...).
L'avenir ce pourrait être aussi cette liberté acquise par la perte de tout ce qui fait une vie (le mari, les enfants, la mère, le travail, les amis) et le rebond pour comme sauvetage, qui ouvre un horizon encore à découvrir.
L'avenir c'est peut-être, et surtout, s'assumer comme femme, s'assumer comme mère, s'assumer comme grand-mère, vieille, droite, et belle, tenant dans ses bras pour accueillir celui qui par sa pureté est incarnation même de l'avenir, le bébé de ce plan final aussi mystérieux qu'au fond on ne peut plus clair.


Ce qui est sûr c'est que L'Avenir est un des meilleurs films français de ses dernières années.

Créée

le 15 mai 2016

Critique lue 373 fois

1 j'aime

Charles Dubois

Écrit par

Critique lue 373 fois

1

D'autres avis sur L'Avenir

L'Avenir
czernova
1

Critique de L'Avenir par czernova

C'est un film à la banalité affligeante, au propos d'un désintérêt profond. On découvre une femme plutôt bien dans sa cinquantaine (ou fin de quarantaine, je ne sais pas), professeure de philosophie...

le 11 avr. 2016

21 j'aime

16

L'Avenir
eloch
6

Naissance d'une femme

Moins de deux ans après la sortie en salles d’Eden, sorte de petit ovni dans sa filmographie, Mia Hansen-Løve retourne à la mélancolie filmée au présent avec L’Avenir. Même s'il ne touche pas autant...

le 5 avr. 2016

20 j'aime

8

L'Avenir
Sergent_Pepper
6

Un lendemain vers la liberté

Grand bond en avant que cet avenir proposé par Mia Hansen-Løve qui a 35 ans s’était jusqu’alors surtout préoccupée de la post adolescence, celle d’Un amour de jeunesse ou de la musique électronique...

le 2 oct. 2016

15 j'aime

1

Du même critique

Les Blues Brothers
Charles_Dubois
5

Critique de Les Blues Brothers par Charles Dubois

Film emblématique d'une génération, The Blues Brothers n'a pas réussi à me convaincre. En tous cas pas totalement. Certes je n'ai pas passé un mauvais moment, j'ai même ri franchement à certains...

le 29 déc. 2015

18 j'aime

Her
Charles_Dubois
10

30 Putain de minutes

30 minutes. 30 putain de minutes. Je crois n'avoir jamais sorti aussi longtemps mon chien. C'est le temps qu'il m'a fallu pour arrêter de pleurer. Pas de tristesse. Pas de joie non plus. De...

le 23 juil. 2014

16 j'aime