Angelina Jolie endosse le rôle principal. Méfiance et mauvaise impression.
Au début on regarde dubitativement, douteux et suspicieux. On se dit qu'elle n'est pas parfaite, qu'elle n'a pas ce charme, ce charisme qu'ont certains grands acteurs. On pense qu'elle ne pourra pas supporter sur ses frêles épaules ce drame. Et puis finalement on est curieux. On la découvre et on l'accepte en mère éplorée. Elle devient vraie, elle devient juste.
Pas d'éloge, juste un préjugé qui disparait.

L'histoire ensuite. Une histoire d'enfant, la perte de l'un, la découverte d'un autre. Un échange.
Mais aussi une erreur, des erreurs, qui s'enlisent, qui s'accumulent, qui s'éternisent pour finir par s'asphyxier. Des sentiments contraires, des émotions fortes qui s'emparent de nous, qui nous révoltent, qui nous touchent et qui finalement sont des émotions naturelles et intrinsèques à l'homme, qui prouvent que notre empathie et notre bonté naturelle existent réellement.


Les ficelles sont sans doute un peu grosses, le scénario manichéen, mais c'est un parti pris. Le message doit passer, doit toucher le plus grand nombre, le film doit être performatif: il doit faire réagir et agir. L'émotion y est le moyen, l'injustice y est la fin.




L'émotion.
Les larmes. Pourquoi critiquer les larmes abondantes de cette mère dont l'enfant est porté disparu, comme outil de communication de l'émotion ? Comme si pleurer n'était pas un acte au plus profondément humain, libératoire et apaisant lorsque l'adversité survient. Pourquoi donc renier cet acte si naturel ? Ici les larmes, l'émotion, donnent au film une vitalité et une énergie pour avancer.
Et pourquoi donc les pleurs souffrent-ils d'une si faible crédibilité au cinéma ? Les larmes sont injustement, trop facilement et trop rapidement rattachées à un film patho, surjoué et dégoulinant d'une mièvrerie infecte. Jouer le parti pris de l'émotion ce n'est pas tomber dans des sentiments déshonorants, honteux ou embarrassant. Au contraire la sensibilité est noble et louable.
Il est vrai qu'un personnage peut manifester sa souffrance de différentes façons. Il peut très bien endurer son affliction en silence et se morfondre intérieurement, mais il peut tout aussi bien l'exprimer par des pleurs violents et déchirants. Nous avons tous des comportements différents face à l'adversité. Pourquoi certains seraient-ils plus estimables que d'autres ?
Il n'y a pas de mauvais choix de la part du réalisateur, juste un parti pris.


L'injustice.
Nous la ressentons pleinement, violemment, sans nuance, sans détour, elle arrive de plein fouet. Encore une fois c'est un parti pris.
Au-delà du fait que la police et le pouvoir nous sont présentés comme des instances corrompus et au-dessus des lois, le seul reproche que j'aurais à émettre est le fait de présenter l'organe de la justice comme juste elle-même et comme capable de réparer les injustices des autres.
Présenter l'organe judiciaire comme le seul étant capable de remédier à l'injustice, dans des temps où la corruption est partout me semble un peu ironique, dérisoire, et me laisse perplexe. L'abus de pouvoir existe à tous les niveaux, que ce soit au niveau judiciaire ou au niveau des représentants de l'ordre.
Mais cela n'est qu'un détail puisque ce n'est pas le message le plus important que veut véhiculer le film.

Je ne comprends pas comment on peut être aussi passif devant l'injustice, au delà d'un film c'est un système immoral et abusif qui est contesté.
Si aujourd'hui nous nous laissons faire, si rien ne nous révolte, comment pourrons-nous améliorer et vivre dans le monde de demain ?
Serons nous de simples citoyens abrutis par la consommation, des prisonniers avilis dans notre confort et notre rassurante quiétude ? Ne pouvons-nous pas être des acteurs, défendre une cause, faire avancer l'humanité, nous indigner, nous révolter contre un monde qui n'est pas juste ?
L'acceptation est le début de l'indifférence et nous n'avons pas le droit d'être indifférent devant l'injustice.



Clint Eastwood fait passer un message clair et il défend une noble cause. Qu'importe si cinématographiquement parlant il ne remplit pas les critères pour être une excellente production. Il a le mérite d'être un film véhiculant des idées essentielles et vitales, il porte un message lourd de sens. Et en ce sens là il mérite d'être reconnu.
Ce qui me révolte moi, ce sont ces gens qui ne se révoltent pas, qui ne sont choqués de rien.
SUNSELESS
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le 19 nov. 2011

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