C'est la traduction la plus proche du titre original (ai no korida) que nous pouvons proposer et qui est sûrement la plus proche de la volonté de Nagisa Oshima en 1972 durant la préparation de cette œuvre plus que subversive et scandaleuse qui choqua une grande partie des festivaliers de Cannes ou Chicago et ébranla la morale japonaise, si réputé pour sa rigidité historique. Au delà du scandale, du concept du film (que proposa Oshima au producteur français sulfureux Anatole Dauman en 1972) celui d'un film « d'auteur » et « pornographique », du procès pour obscénité et immoralité qui le suivit ou l'aura de fiel exotique dans les contrés occidentales : qui ont permit au film au cours des années de grandir en célébrité et en statut (malheureusement si galvaudé mais ici mérité) de culte. Pourtant malgré la reconnaissance au fil des années et l'importance de ce film reconnu dans l'histoire du cinéma érotique et plus généralement nippon, il y a toujours eu une sorte de méprise et de procès d'intention au film au vue de son concept de fait (un film d'auteur par un des cinéastes les plus reconnues de la nouvelle vague japonaise avec des éléments éminemment pornographiques, ce qui en ferait le premier film pornographique exploité en salle comme un film d'art) qui le place d'emblée comme un film concept fort et subversif sur le moment mais avec une tendance périssable au fil des années. Pourtant ce film charnière pour Oshima (qui était au creux de la vague à cette époque comme tout les réals de la nouvelle vague qui s'étaient ringardisés auprès des studios) va totalement se renouveler par son biais et atteindre le plus grand impact de sa carrière. Il faut porter un regard différent ou du moins personnel face à une œuvre de déconstruction comme celle-ci qui place le sexe comme un enjeux de mise en scène mais aussi humain. Oshima a conçu ce film que il était en remise en question, la nouvelle vague touchait à sa fin, on pouvait ressentir un regain de sévérité morale et conservatrice dans l'archipel et bien sûr la volonté permanente de ce grand provocateur de renvoyé dos à dos : la morale, les valeurs et les vérités consensuelles et structuralistes. Il va, au-travers d'un fait divers populaire célébrissime s'étant déroulé en 1936 qui est reproduit avec exactitude dans la trame du film, traité de la figure de Sada Abe, devenue une héroïne populaire et inspirante pour la vague féministe qui se déroulait au japon dans les années 70. Oshima va alors monté un monument subversif dans lequel il ne sera jamais allez aussi loin mais avec pourtant l'impression d'un embourgeoisement thématique et esthétique, le premier paradoxe de ce monument d’ambiguïté qui en révélera d'autes et qui à traiter comme un manifeste esthétique et philosophique comme n'importe quel œuvre qui amène à penser.
L’œuvre touchant à sa fin, la sensation de stupre, de fiel et de passion intérieur explosant dans un acte des plus choquant, demeure avec une sensation de pertes de repères et de point de vue que l'on voudrait emmètre sur ce couple socialement opposé qui s'est abîmé dans la folie de la passion charnel jusqu'au suicide consenti pour l'un et l'isolement sociale et mentale de l'autre ( une autre forme de mort?). On pourra partir de la citation suivante d'Oshima à l'époque de la production : Il faut préalablement conscient du fait que qu’il ne peut y avoir en ce monde ni liberté ni plaisir pour entrevoir, chacun le chemin de la liberté, le chemin des plaisirs. On peut ressentir à cela un profond pessimisme vis à vis d'une condition humaine intérieur qu'Oshima ne trouve guère en adéquation avec les réalités et urgences historiques et sociales comme c'est le cas pour son principe de mise en scène qui heurtera à une censure très forte et un public peu habitué à une œuvre aussi jusqu’au-boutiste dans la représentation sexuelle.
Le sexe est la base du film. Son principe de mise en scène. Son architecture dramatique est entièrement construite autour des rapports sexuels ou du moins le désir sexuel et bien souvent son assouvissement, que le couple mènera à ses extrémités. Tout le film repose sur le sexe comme moteur des personnages et relations. Il est étonnant de voire la radicalité d'une œuvre qui en tant que précurseur dans son concept, présente tout dialogue, regard ou acte comme celui de la sexualité. Pourtant aucun sentiment d'artificialité d'un dispositif car dès la première scène Sada est présenté dans son mal être face çà une collègue servante lui caressant le sein en vue d'un rapport saphique (que l'on peut voire comme le seul salut sexuel pour ses femmes de peux), et qui refuse cette avance avant de voir une succession de scènes aux ellipses fortes(et qui se ressentent comme bien prépondérantes face à des activités quotidiennes ou à une « dramaturgie du quotidien » qui paraît bien dérisoire face aux rapports entretenus).


Tout les personnages sont travaillés par un désir, une frustration ou un rapport au sexe uniquement langagier (comme la servante qui reproche à Sada ces origines de prostitués), ainsi ce dernier est la mesure de toute chose. Les hommes ont un ascendant sexuel évident et traditionnel (kichi qui incarne toute la domination masculine dans le jeu exceptionnelle de son interprète qui joue le désir sexuelle permanent et une distanciation souvent ironique et pleine de second degré face à une réalité et une société dont il sera toujours le privilégié. La première rencontre entre sada et Kichi s'organise autour d'une référence sexuelle peu subtile, invitation à une relation maître esclave purement libidineuse). Les enfants et m^me les vieillards sont concernés, les premiers soi fascinés par le sexe (du clochard par exemple) ou victimes de l'érotomanie ou des frustration voire névroses des adultes (voire la très choquante scène où Sada s'empare du vit d'un enfant avec lequel elle joue et dont elle se sert pour se rappeler celui de son amant avec lequel elle entretient une fascination). Oshima dresse un monde régit par le sexe et ses manifestations dont la mise en scène (dont nous reparlerons plus bas) donne une véracité naturaliste qui l'inscrit dans une escalade sexuel pour Sada et kichi qui vont exister et construire leurs relations uniquement sur l'assouvissement sexuel de leurs pulsions.


La pornographie de l’œuvre et qui a bien sur choquée repose sur la représentation des actes sexuelles (et même de pratiques plus alternatives) de manière crues et réaliste (actes non-simulés). La pornographie est souvent opposer à l'art comme une pratique ne visant que l'assouvissement de pulsions personnelles par excitation. Pour Oshima la question n’existe pas et l’obscénité n'existe que dans la t^te des juges et des commissaires. Le sexe étant un élément moteur de l'existence et dans lequel les deux amants vont sombrer corps et âmes et faire l'absolu de leurs vies, le film ne peut traiter ce concept en représentant de manière concrète ses relations dans leurs états organiques. Oshima tirent de la représentation des actes en tout genres et qui vont se renforcer dans leurs radicalité et dangerosité (fellation, pénétration vaginale, anale, absorption de la nourriture par la vulve, étranglent érotomaniaque puis castration post-mortem) et qui vont être le moteur du film. La dramaturgie et les images-pulsions ou actions (voire mentales au sens dont Deleuze définit les signes au cinéma) sont des actes sexuels. Le principe de la pornographie serait l 'excitation et l'érotisme (plus « acceptable ») serait la suggestion. La suggestion permet l'imagination et le sexe n'est pas affaire de simple fantasme ou imagination mais une donnée biologique et hormonale dans lequel l'être entre en communion physique avec un autre et va m^me communiquer avec lui. Le sexe est un moment intense dont sada et Kichi vont vivre tout les aspects et n'auront guère besoin de se présenter ou parler d'eux mêmes (leurs seul discussions où ils parleront d'eux mêmes et de leurs passés sera sur la mort respective de leurs parents et leurs angoisses à ce sujet), ils communiquent et construisent leurs relations par le sexe par lesquels ils passent par toutes les phases du couple,et des relations amoureuses dont ils ont trouvé l'expression la plus pure par le sexe qui épanouit et permet d'exprimer leurs êtres profonds sans se cacher par les fluides, les pénétrations de l'homme comme domination, la femme jalouse qui menace de séparer l'homme de son bien le plus intime.


Aussi on retrouve la joie de vivre, la peur et l'angoisse de ne plus reconnaître les désirs et la confiance en l'autre. Le sexe est acte sexuel mais aussi sujet de conversations et expérimentations. Les deux amants demeurent extrêmes dan leurs comportements mais Oshima saisie la quintessence de la sexualité non pas comme attraction ou relâchement mais la pulsion la plus intime à l'origine de notre être et ayant des conséquences sur nos actes. Les situation familiales complexes des personnages (mères ou pères absents) sont des origines déjà quasi-oedipiennes à des relations sexuelles comme moyen de combler un manque affectif (sada est une prostitué dans l'âme car elle existe par ces actes et son physique pur donner du plaisir mais elle va rechercher ce qui lui manque, un pénis ce qui fait de l’œuvre inconsciemment un pur film freudien ; et Kichi verra une dévotion à une femme plus forte qu'il n'y paraît et qui le fera sortir de son univers restreint d'aubergiste rangé et marié). Chacun règle le problèmes avec son passé et avec sa condition et son surmoi psychologique. Dès que les règles sont goûtes par Kichi les limites s'en vont et l'isolement sera le seul moyen de vivre pleinement. Le sexe est u rapport physique et abstrait par essence dans ses motivations et la mise en relation entre un sexe crue sur incarnée et organique avec une manifestation d'un état intérieure crise ne peut que se manifester par une pornographie révolutionnaire car utilisé comme vecteur humain, ce n'est plus de la pornographie, on ne veut plus créer le désir ou l'excitation on dépasse le cadre superficiel de l'émotif ou du sensoriel pour l'image artistique dont les actes sexuels sont des incarnations directes et profondes de sentiments humains qui ne pouvaient exister que dans la crudité pure et objective. Ainsi refusé l’œuvre pour son aspect « pornographique » c'est nié la révolution qu'il a été, concevoir le sexe comme essence d'une proposition de cinéma et incarnation d'un amour qui dépasse l'entendement et la généralisation de celui-ci. Si l'amour est la dévotion physique et psychique à l'autre alors Sada et Kichi en est l'incarnation absolu et peut être l'une des rares authentiques. Le sexe ne sera plus jamais le même au cinéma, il sera une donnée comme une autre et l'empire des sens aura donné forme à l'essence de cet acte absolu et intime une dimension à la fois très ancré dans un contexte et universel pour lui donner une légitimité artistique et peut être mener à une libération de nos affects physiques si l'art cinématographique peut s'en emparer. Le refuser révéler plus un recul personnel ou un état d'esprit encore conservateur et qui refuse l'essence des évolutions artistiques.


Oshima n'est guère un formaliste, même si il a toujours eu la tendance à utiliser des concepts de mise en scène et des dispositifs prégnants qui pour certains entraînent une déshumanisation et une froideur cérébrale et intellectuelle trop distanciés avec l'objet qui se veut les tourments des passions internes qui remontent à la surface dans une débauche sexuelle comme recherche d'un horizon et d'un salut existentielle. On peut affirmer que l'empire des sens est un monument de froideur cérébrale et déshumanisé qui (et c'est souvent le cas chez Oshima) filme l'humain à nue presque comme un être sans emphase avec son environnement ou son contexte. L'alternance entre des plans séquences (ou juste long) rapprochés des visages ou des visons de corps tout autant expressifs, et de scènes au découpage aussi pulsionnels par leurs attention unique porté aux 2 personnages (qui ne quitte jamais le cadre sinon c'est leurs points de vues) qui sont la mesure absolu d'une mise en scène attaché à leurs êtres et expressions personnelles. Cela dit les personnages intériorisent beaucoup et leurs pulsions ne sont que le résultat d'un état intérieur. Si les éléments naturels ne sont pas encore piratés par l’épanchement de leur ça (ce qui sera le cas dans l'empire de la passion), leurs pulsions internes ressortent autant par leurs actes physiques (trop organique et personnelles on est volontairement gardé à distance par des cadres qui les isole tout en les plaçant au centre, notre rôle de voyeur est alors prisonnier du film qui demande un regard neutre sur des actes sensuelles dont la finalité nous échappe toujours (le coït n'est plus l'objectif ou le simple absolu). Le montage s'organise autour des pulsions qui prennent le chemin dont parler Oshima, celui des plaisirs comme absolu de l'existence mais qui ne peut être accepter, en contradiction avec la famille, la politique, le contexte fasciste ou la bienséance et l'honneur japonais légendaire (que Kichi annihile mais sous l'impulsion de Sada). Le plaisir est la mesure d'un montage qui en prend le pouls, mais aussi une mise en scène changeante et souvent amenant des ruptures comme avec les interventions extérieurs de servantes voyeuristes ou de geisha (qui seront même choqués de voir leurs arts s'épanouirent autant auprès de ces deux amants qui nierait presque l’intérêt de leurs professions, ces interventions ou le retour de l'Histoire voire l'irruption des devoirs de chacun apparaissent comme des péripéties auxquels les personnages ne veulent pas reconnaître l'importance ou s'en désintéressé car l'existence pour eux est bien plus importante quand elle est vécue est surtout consentie entre être opposé mais surtout complémentaire, l'essence de l'amour.


Oshima est un provocateur iconoclaste mais le rattaché à un des courants esthétiques permettrait de mettre en relief la réflexion précédente. Ma conception des courants étant généralement deleuzienne je veux surtout mettre en relief le rattachement à une nouvel vague japonaise dont Oshima est un des maîtres absolu mais aussi le plus complexe à cerner. L'importance es corps et de leurs évolution voire leurs résistance leurs volonté d'exister le place comme proche de la résistance des corps, mais on reconnaît toujours une construction intellectuelle, référentielle et très cérébrale le rapprochant aussi du cinéma mental (avec la froideur du dispositif et la voix-off distancielle). Mais on peut alors le rapproché fort logiquement de la nouvelle vague (au sens esthétique bien sûr) qui allie la pure image mentale et les signes corporelles et les circonvolutions des mouvements dans l'espace pour créer (interprétation personnel de la nouvelle vague en vue) une topographie des affects en reconstruction face à l’environnement et un contexte abstrait qui agissent comme des toiles de fonds absurdes et vaines comme les êtres en remise en question qui les traversent. Mais malgré sa filiation évidente avec ces 3 courants (surtout le dernier, on connaît son admiration pour Godard. Il est en réalité un pur cinéaste naturaliste, pas complètement moderne, entre classique et moderne. Transition venant de sa place de membre de la nouvelle vague s'ingérant dans le temps long, un concept déconstruisant la dramaturgie habituelle et organisant un montage autour d'une subjectivisation temporelle mais on remarque que l'image temps n'est pas totale et que la mise en scène en elle-même conserve des images-pulsions permanentes qui comptent comme représentation extérieurs des états intérieurs sans véritable recule ou remise en question dans le temps. L'image et le mouvement compte pour eux mêmes et la réflexion émane d'une matière manipulé qui ne fait pas échos à une dimension existentielle mais purement affective. Le naturalisme est un terme extrêmement galvaudé par ceux qui y on vu un cinéma ultra-réaliste et dénué de toute scories stylistiques, un cinéma pure sans effets (comme le Aronofsky de The wrestler, les frères Dardennes ou le dogme 95 danois) en réalité et Deleuze le définit très bien, le naturalisme ne montre pas les choses naturellement, la nature des choses comme réalité tangible et crédible n'a rien à voir avec le cinéma (vision là aussi personnel de ma part) mais le naturalisme tant à filmer la nature des choses des êtres ou des affects qui est toujours d'un point de vue humain (même si dans le cas du cinéma il est omniscient) sur les pulsions intérieurs, les pulsions sont celles des sens qui manifestent ce qui boue sous la surface et la réalité est piraté par la pulsion interne du sujet qui tend à reconstruire le monde par sa vision ou le déconstruire mais va souvent entrer en conflit avec la réalité, celle-ci v alors se renforcer et le détruire ou voire un épanchement qui mènera à une perte de repères et une nouvelle phase de la nature des choses. Ainsi on voit cette parabole chez Oshima et aussi tardivement dans les œuvres de Lynch le grand naturaliste actuel.
Oshima a pour inspiration les 4 grands naturalistes (godard étant à part) : Bunuel et son aspect subversif et anti valeurs et bourgeois ainsi que la richesse et l'incertitude psychologique et la volonté de briser les tabous sexuelles et moraux, Losey et ces constructions psychologiques et cérébrales labyrinthiques dans laquelle les relations sociales et affectives sont piratés par des pulsions souvent malsaine qui mettent le sujet en crise, von stroheim et le rapport ténu entre perversion et réalité et l'épanchement de l’environnement et de l'espace qui subissent les affres des points de vues déformés du sujet, et enfin Nicholas ray et cette verve adolescente et de remise en question de l'individu face à un système qui l'ostracise et comment le sujet se sort de sa situation par enfreindre ou du moins remettre en cause son environnement par une révolte ou un puisement dans les pulsions internes. Ainsi sous ses patronages l'ambition d'Oshima appairait ici plus organisé et prudent que ces œuvres précédentes plus anarchistes. Il fait un naturalisme sophistiqué dans lequel la pulsion physique et naturel du sujet entre en inadéquation, éros et thanatos sont les deux pilliers de l'empire des sens qui voit l’épanchement de la réalité comme chez tout les naturalistes (toujours allié à un surréalisme léger) dans une dimension mélange de pulsions, d'affects et de morceaux de réels. Soi il y a une perdition totale ou un retour brutale à la tangibilité chez bunuel (qui crée das tout les cas une incertitude psychique) soi la réalité est trop dure et prend le dessus (chez Stroheim), soi elle est définitivement perdue et hybridée chez ray voire chez Losey on voit la pulsion et le sujet se confondre pour accoucher d'êtres incomplets et incertain face à une réalité qu'ils ne pouvaient guère comprendre.
Oshima fait un mélange de tout cela mais surtout montrer une pulsion qui ne peut mener au bonheur mais une recherche permanente de sens et de place dans une réalité qui se dérobe et qui a l'air quitter pour de bon quand l'amour totale a triomphé dans le sang et la souffrance mais aussi sûrement l'acte d'amour le plus fort et finalement accompli, il vaut mieux partir que de rester, ils ne seront jamais accepter mais ils auront connu l'ivresse du plaisir, la dévotion entière à eux mêmes et à l'autre. Comme l'aurait sûrement dit différemment Bataille, l'amour et la mort sont les deux absolus de l'homme vers lequel il tend qu'il le veuille ou non, les deux mamelles, les deux pulsions absolues et vouloir concilier les deux c'est reconnaître la part de mort dans le sexe qui en fit toute la puissance (car lors de l'orgasme le corps et l'esprit ne se rapprochent-il pas de la mort et l'être peut disparaître, mourir sans regret, il s'abandonne vers une déconnexion absolu avec le réel et ainsi l'empire des sens est un des derniers grands films pulsionnel qui soit à la recherche de la conjonction de ses deux essences que ce couple aura compris et mis en acte mieux que n'importe qui. L'un est mort dans le plaisir absolu et l'autre est resté dans une folie douce mais heureuse de son souvenir symbolique et organique. Oshima a avant tout comme nous allons le voir fait un portrait de femme assez brillant et éminemment féministe.


Au premier abord, l'empire des sens peut paraître dénué de contexte ou du moins le mettre à un plan tertiaire et n'y prêtait aucune réelle attention, une nécessité et un ressenti obligatoire pour un film d'époque mais le film ne s’appuierait guère dessus pour échauder son propos, chose étonnante de la part d'Oshima, dont on connaît l'activisme politique et la ferveur militante contestataire et anti-système des films précédents. Pourtant l’œuvre est loin de ne pas traiter de son époque mais Oshima a changé, il ne cherche plus à dénoncer ou mettre en relief les incohérences, la violence et l'aliénation de la société nippone contemporaine de manière directe, il va le faire avec un procédé que l'on pourrait qualifier selon le comportement des personnages principaux qui nous donnent le point de vue dans l’œuvre. En effet, la seule manière de comprendre quelle film se déroule en 1936 durant la montée fasciste et la fin de la guerre sino-japonaise serait la direction artistique, les personnages étant obnubilés par leurs êtres et leur pulsions, le monde ne paraît pas compté pour eux. Le seul et unique plan où le couple ne paraît pas échappé hors du contexte, retiré du monde dans leurs antichambres luxurieuses, c'est une scène courte vers les ¾ où Kichi croise un cortège de soldats de l'empereur (partant sûrement en guerre ou revenant de celle-ci difficile à dire) acclamé n silence par une foule étrangement désintéressé. Kichi ne prête aucune intention au défilé et le croise à contre courant avant de rejoindre Sada pour lequel il est aller chercher à manger. Son comportement est celui d'une fuite, celle qu'il a toujours eu avec Sada, la fuite de sa famille, responsabilités et ici la fuite absolu, la fuite de l'histoire. Son attitude que l'on devine honteuse, le fait paraître bien moins confiant en ses actes, l'honneur japonais le rattrape et il est sûrement terrassé par la honte de se voir ainsi en train de manquer à son devoir et d'oublier m^me son identité japonaise (mais on peut aussi dire que l'art sexuel typiquement japonais qu'entretiennent à l’extrême lui et Sada est un honneur à une tradition japonaise). Il décidera ensuite d'accepter la mise à mort par Sada, on peut voir cela dans le prisme logique de l’épanouissent par l'abandon au sexe qui mène à la mort, mais aussi un quasi suicide car il prend conscience de l'impasse où il est et que ce monde prêt à sombrer dans la guerre n'est plus pour eux, enfermé dans leurs fantasmes mais aussi une vision du monde autour de pures désirs, à l'inverse total de ce que le Japon a besoin.
Cela dit ce désintérêt politique peut paraître bien vain, voire même d'un profond manque de conscience qui incarnerait un appauvrissement de sa pensée, mais Oshima détient un regard acerbe qu'il partagea à un journaliste qui ne comprenait pas son absence de conscience politique (ironie totale pour un cinéaste diplômée de science politique et non pas issue d'une formation artistique). L'absence de militantisme ou d'implication politique n'implique pas un manque de conscience politique, en réalité je pense même que le refus de la politique, d'en faire, de la considérer ou de lui adjoindre la moindre importance est absolument politique, je voudrais poussé les gens à ne plus croire en celle-ci pour que le monde n'est plus besoin de politique et ainsi nous en serions libérés : Sada et Kichi sont des personnages dans lequel, oshima projette cette idée de désobéissance et désincarnation politique. Oshima a bien plus de respect vis à vis des gens qui changent eux mêmes pour que le monde change à la place d'autres qui ont l'illusion de bouger pour changer le cours des choses mais ne suivent que des intérêts personnels et contradictoires sous couvert d’humanisme, Sada et Kichi sont on ne peut plus égocentrique mais leurs actes en apparence condamnables ne les concernent qu'eux, et leurs morts dans cet acte d'amour fou ils deviendront un modèle abstrait (et pas aussi extrême bien entendue) pour la société japonaise qui reconnaîtra en eux des héros d'un âge de liberté sexuelle et humain peu commun (mais on peut repprocher à Oshima que ces deux personnages sont aussi enfermés dans un certaine érotomanie qui leurs offrent un bonheur superficielle, il faut aussi rappelé que la philosophie nippone place la mort (de Kichi) ou l’épanouissement spirituel (de Sada) comme des accomplissent, on n'est pas à un paradoxe près). Aisni le dernier plan qui fait figure d'oeuvre d'art (entre la sculpture, la performance, le body art ou la peinture voir la calligraphie) incarne cet élan nouveau qui est renforcé par la voix off (qui n’émet que la fin de l'histoire qui ne put être tourné) qui raconte la suite et fin des événements de manière froide et neutre (ce que l'histoire sait et saura seulement à jamais) et cette œuvre qu'ils incarnent à tout deux, bien plus que deux fous furieux de sexe mais deux êtres qui ont (absolument sans le savoir) contribué au monde et à leurs sociétés bien plus que n'importe quel activiste décadent.


Oshima a toujours eu la réputation d'un polémiste provocateur, radical et froid dans son regard intellectuel sur les contradictions sociales et politique nippones à l'ère moderne...Pourtant la soi-disant froideur de sa mise en scène n'est pas celle d'un entomologiste (ce que l'on a aussi reproché à Imamura), elle tient toujours à la réalité dépeinte et c'est celle d'un cinéaste qui sait que le parti-pris trop figuratif de sa mise en scène pourrait pirater la situation et le actions dépeintes et imposer un regard sur les événements. Comme nous l'avons dit, son but et de pousser à la réflexion sur un événement dépeint et rendue dans sa crudité et son intensité physique mais avec un recul qui s'attache à des actes par leurs faits signifiants et viscéraux mais aussi insaisissables. Ainsi l’œuvre peut paraître au premier abords décevante, uniquement inintéressante dans le thème et le concept et bien sûr son traitement érotique, mais on oublie que cette œuvre ne fait que dépeindre (de manière linéaire et fidèle aux sensations et pulsions des personnages, qui organise le montage de l’œuvre) des actes et des comportements sans véritables parti pris de formes ou de traitements de la temporalité hormis une fidélité quasi absolue aux personnages, leurs regards (ou leurs points de vue externes sur eux-mêmes qu'ils fantasment durant les quelques plans d'ensemble les cadrants). Oshima n'a pas de regard ou de discours politiques, sexuelle ou psychologique (enfin il en détient évidemment mais le medium cinématographique ne le transmet pas et a l'air de se mettre en retrait dans une factualité fidèle dans laquelle Oshima retranscrit une visions subjective mais non imaginaire (les actes sont aussi signifiants que la psychologie et la personnalité des personnages sont pauvres, ainsi les personnages sont définies par des actes fidèles à la réalité car conté par sada, mais les figures qu'ils représentent visent l'abstraction de leurs personnes et de leurs rôles car Oshima prépare ainsi l'entrée dans la légende de sada et Kichi). Oshima dépeint les actes, les traces de l'histoire et une atmosphère à la fois éminemment sulfureuse ainsi que audacieuse et pourtant très conditionné et fermé sur elle-même (une des grandes contradictions de la société japonaise), mais le spectateur est intégré dans la fiction (c'est pour cela que l'on peut a considérer comme une œuvre moderne) par le fait de trouver lui-même les implications et motivations de ce qui découle de ces actes ainsi que leurs résonances (en cela il faut s'attacher surtout au plan zénithal final et surtout prendre avec des pincettes les possibles interprétations freudiennes sur les origines familiales des personnages). Oshima comme nous l'avons dit est un provocateur, il ne prône rien, il bouscule pour pousser à la réflexion et remettre en cause les doxa.


Pour finir notre démonstration, il est important de saisir le seul vrai parti pris d'Oshima (il serait stupide d'en avoir dans une œuvre dépeignant des êtres qui choisissent les sens comme absolu et se désintéresse du monde qui les entoure). Le film étant du point de vue des amants, il est à la base focalisé sur Sada et son point de vue, o pourra avoir un point de vue seulement sur Kishi une fois qu'elle sera entré en communion physique avec lui, ils seront presque un seul corps ne pouvant se séparer. Mais le film reste focalisé sur Sada. Il faut à présent se rappeler du titre original... corrida d'amour... cela implique un taureau et un correador et que l'on soit favorable ou non, ce spectacle vise à célébrer une union de force et de respect commun qui culmine en la sublimation de la mort de l'animal après un combat qui vise l'épuisement de l'animal jusqu'à la mort ou la mort du coreador peu doué... L'empire des sens est la vision du sexe et des relations charnels qui culminent en corrida selon Oshima. Sada est un correador, un être professionnellement abjecte (prostituée il faut le rappeler) mais aux atours et charmes physiques indéniables, femme de spectacle et de divertissement et qui épuisera et mettra en danger son homme (srangulation) avan d'offrir le coup de grâce dans l'extase (les menaces au couteau quand celui-ci s'éloigne renforcent cette iddée). Kichi attiré par elle dans une pulsion de mort déjà prévue dès le premier regard sera celui qui intéragira par agressions et provocations alors que sada le stimulera par des pics. Il cherche le contact par plaisir et pulsion de mort (éros et thanatos évidemment) et finira par effacer sa personne et acceptera la mort et la prise de contrôle de Sada qui l'achévera et prélèvera son trophée. Le sexe est comme une corrida, un rapport de mort et d'amour pour sa personne et son existence dans lequel l'homme taureau finit par abandonner sa personne et son existence devenue dépendante de la femme correador qui trouve un accomplissement morbide mais ayant offert une existence plus brève au taureau qui l'homme est objet de désir et d’admiration pour la résilience et sada est bien un correador dont on admire le style, la beauté d’exécution et la grâce jusqu'au bout d'un acte qui dépasse bien la simple mise à mort mais un spectacle inspirant pour les spectateurs. La comparaison aussi parfaite opéré par Oshima est fondamentale car elle exprime bien le statut de l'homme, apparemment beau et fort mais qui doit pour atteindre l'absolu, devenir l'objet de transcendance et accomplissement féminin. Le film est avant tout un vrai portrait de femme très subtil (qui n'émascule pas seulement l'homme par un stupide symbole de castration) qui s'affirme par une reconnaissance de l'être masculin de son pouvoir et de ses attributs dans le moment le plus trivial et aussi crucial qu'est l'acte sexuel. Il est à présent interréssant de constater à quel point l'oeuvre malgré son aspect scandaleux est une vrai œuvre réflexive et ouverte, loin du simple impact gratuit et peu signifiant de nombre d’œuvres « polémique ». Oshima disait dans une interview pour le film à cannes : « le cinéma même si il est fait quasi exclusivement par des hommes est un art de la femme, pour la femme et sûrement pas pour les hommes bien moins inintéressants et prévisibles, le cinéma est l'art crée par nous idiots d'hommes pour rendre hommage et célébrer la femme dans toute sa beauté et sa complexité et sublimé la différence fondamentale de grandeur qu'elles ont vis à vis des hommes ». Cette extraordinaire phrase résonne encore plus fortement quand on réalise que le cinéma a toujours été celui de la femme dans sa manière d'exprimer le fait que les hommes ne peuvent vivre sans femmes, même indépendant ou seuls, ils vivent à travers elles. La femme peut vivre sans l'homme ou alors va bien au delà de la dépendance et le contrôle pour le mener auseul destin que celui-ci, depuis sa mise au monde, a été déterminé par une femme. Les grands réalisateurs de la femme (dont oshima fait partie) l'ont bien compris : Almodovar, Manckiewicz, Bergman, hou-hsiao Hsien, Kiarostami, Mizoguchi ou encore Lars von trier (non ce n'est pas une plaisanterie) et il faut reconnaître que si le cinéma a très rarement concentré ses efforts sur des hommes (Melville au hasard) il demeure l'art de la reconnaissance féminine par son essence, car le cinéma étant art total du mouvement et du temps il ne peut que contenir la femme dès qu'il touche à l'universel (les autres arts ont un médium qui peut se concentrer sur un aspect ou un autre et ne pas rendre compte de la complexe relation intersexuelle). Après toute cette démonstration sur l'importance nippone, historique, politique, sexuelle, esthétique, culturelle, pour son auteur et son discours et bien sûr la comparaison opéré entre la corrida et le sexe, le fait que l’œuvre sois une pure incarnation féministe ambiguë, subtile et sincère achève d'en faire à mon sens une œuvre monde qui atteignit 'accomplissement absolu du cinéma : relier des mouvements humains, au temps long et courts par des circuits de relations complexes et limpides si l'on ouvre son esprit aux intentions pour exprimer un point de vue muselée par la morale qu'il est toujours nécessaire de remettre en question pour avancer dans une réflexion sur le sens d'un acte aussi important mais occulté par peur de réveler ce qu'il y a de plus fort en nous, transformé le sexe en acte politique et ainsi tirer la quintessence des actes et des signes de la vie et du monde où la quintessence de ce grand geste artistique que demeure l'empire des sens.

QuentinJakob
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Mes films préférés (top sans ordre), Top 10 Films et Nagisa oshima, la provocation multiforme

Créée

le 23 mai 2018

Critique lue 396 fois

1 j'aime

Quentin Jakob

Écrit par

Critique lue 396 fois

1

D'autres avis sur L'Empire des sens

L'Empire des sens
Grard-Rocher
8

Critique de L'Empire des sens par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Critique remaniée le 12 octobre 2021. C'est en 1936 à Tokyo qu'une ancienne et jolie geisha, Sada, officie comme serveuse de restaurant dans un établissement des beaux quartiers de la capitale. Entre...

39 j'aime

7

L'Empire des sens
Star-Lord09
6

Le Cinéma ne pense qu'à ça !

Mais bon Dieu que fait ce film dans les années 70 ? Alors oui, certains diront que le Ciné des années '70 est celui de la maturité etc etc... Pourtant, nous, pauvres cinéphiles perdus dans les...

33 j'aime

32

L'Empire des sens
Deleuze
6

De bien étranges trophées...

"L'Empire des sens" est l'œuvre du bizarre. Très peu enthousiasmé avant le visionnage à cause de la réputation quasi "pornographique" (tendance aux gros plans intimes) dont on m'avait fait part,...

le 17 avr. 2013

33 j'aime

8