L'Enfer des armes
7.3
L'Enfer des armes

Film de Tsui Hark (1980)

Version non censurée :


L'Enfer des Armes conclut remarquablement la trilogie du chaos après les intéressants Butterfly Murders et Histoires de Cannibales, où Tsui Hark nous fait suivre le destin de trois jeunes naïfs devenant terroristes en étant entraînés dans une spirale violente par une jeune anarchiste.


Il y a une vraie évolution dans le cinéma de Tsui Hark avec L'Enfer des Armes, que ce soit esthétique ou dans l'écriture, avec toujours comme fil conducteur un certain chaos et un spectacle, certes bordélique, mais aussi remarquable. C'est d'abord les personnages qui sont intéressants, notamment par la façon dont les trois adolescents vont peu à peu être inspiré dans un cycle violent, symbole d'une oeuvre qui en prend acte dès son introduction, très froide et violence où une sourie, qui aura reçu une aiguille dans le crane, va devenir folle avant de mourir.


L'Enfer des Armes est passionnant par son contexte, celui d'un Hong-Kong encore instable et dont les liens avec la Chine demeurent toujours flous, et c'est avec ça en tête que Tsui Hark s'inspire d'un horrible fait divers où trois jeunes posaient des bombes dans des cinémas sans réelle motivation, juste pour passer le temps donc. L'oeuvre est un reflet violent de ce manque de repère d'une nouvelle génération, symbolisé par les désillusions et la violence de la jeunesse que l'on suit, qui ne trouvera jamais de l'argent ou de la gloire, mais une violence encore plus forte et organisée, à l'image de la mafia locale. Ici, il n'y a plus de modèle, le système n'est guère reluisant et les flics encore moins, et tout ça baigne dans une ambiance de malade, un peu folle, digne d'un Tsui Hark qui se sent lâché par le public et les critiques après ses deux premiers films.


Alors tout n'est pas encore parfait, Tsui Hark est encore en rodage et le film à un côté un peu brouillon, même maladroit à l'image des superpositions d'images dans le final, pour mieux ancré son oeuvre dans l'actualité. Pourtant ce n'est pas vraiment préjudiciable, ce qui domine ici, c'est l'urgence de la situation, la façon dont on nage en eaux troubles et le côté parfois froid du film, comme en témoigne ce final qui n'est guère stylisé et qui finalement se déroule dans le seul lieu où ça pouvait nous mener, un cimetière.


La violence est toujours bien mise en scène par le jeune cinéaste, n'hésitant pas à l'amplifier et insister sur la gratuité de certains actes. Il innove dans sa réalisation, notamment dans l'utilisation des couleurs rouges et bleus pour mieux nous plonger dans un chaos certains où les cadavres tombent peu à peu sur la route des trois adolescents. La force de L'Enfer des Armes, c'est aussi de ne jamais tomber dans l’exhibitionnisme morbide, alors que les comédiens savent apporter un côté urgent à l'oeuvre ainsi qu'une certaine authenticité.


Evidemment, le film sera censuré et même massacré par les autorités, obligeant Tsui Hark à en réécrire et filmer une partie, enlevant le côté subversif de l'oeuvre et modifiant profondément son contenu, notamment autour des trois adolescents qui deviennent des victimes. Il aura d'ailleurs du mal à s'en relever, devant par la suite mettre en scène des comédies avant de pouvoir enfin prendre son envol.


Regarder L'Enfer des Armes, surtout après avoir vu ce que Tsui Hark sera capable de faire par la suite, reste un sacré uppercut pris en pleine poire, chaotique et dur, symbole d'une jeunesse en pleine dérive pris dans un cycle alternant désillusion et violence.

Créée

le 16 sept. 2017

Critique lue 952 fois

23 j'aime

4 commentaires

Docteur_Jivago

Écrit par

Critique lue 952 fois

23
4

D'autres avis sur L'Enfer des armes

L'Enfer des armes
oso
8

Apologie du chaos

Bouah, ce décrochage de mâchoire en règle, ça fait du bien de se faire secouer comme ça sans sommation. L'enfer des armes, c'est un film punk pur et dur, qui ne s'embarrasse d'aucune bonne morale et...

Par

le 25 juin 2014

24 j'aime

2

L'Enfer des armes
Docteur_Jivago
8

L'Acte de Naissance

Version non censurée : L'Enfer des Armes conclut remarquablement la trilogie du chaos après les intéressants Butterfly Murders et Histoires de Cannibales, où Tsui Hark nous fait suivre le destin de...

le 16 sept. 2017

23 j'aime

4

L'Enfer des armes
Bavaria
8

Critique de L'Enfer des armes par Mickaël Barbato

Le Orange Mécanique chinois ? Faut pas pousser. Une oeuvre forte au message politique cinglant et sans concessions ? Affirmatif. Inspiré d'un fait réel, l'histoire suit le parcours d'un petit groupe...

le 5 mai 2010

7 j'aime

Du même critique

Gone Girl
Docteur_Jivago
8

American Beauty

D'apparence parfaite, le couple Amy et Nick s'apprête à fêter leurs cinq ans de mariage lorsque Amy disparaît brutalement et mystérieusement et si l'enquête semble accuser Nick, il va tout faire pour...

le 10 oct. 2014

170 j'aime

32

2001 : L'Odyssée de l'espace
Docteur_Jivago
5

Il était une fois l’espace

Tout juste auréolé du succès de Docteur Folamour, Stanley Kubrick se lance dans un projet de science-fiction assez démesuré et très ambitieux, où il fait appel à Arthur C. Clarke qui a écrit la...

le 25 oct. 2014

156 j'aime

43

American Sniper
Docteur_Jivago
8

La mort dans la peau

En mettant en scène la vie de Chris The Legend Kyle, héros en son pays, Clint Eastwood surprend et dresse, par le prisme de celui-ci, le portrait d'un pays entaché par une Guerre...

le 19 févr. 2015

151 j'aime

34