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Anne est une jeune femme pleine de vie, une lycéenne avec des rêves d'avenir, de liberté, d'indépendance. C’est une lycéenne éprise par le vent de liberté qu’offrent les années 60 et emprise par le cloisonnement des mœurs qui s’accrochent désespérément au temps qui passe. Anne est brillante, elle étudie les mots, les textes, plus tard elle veut écrire pour s'accomplir, s'élever socialement, mais Anne tombe enceinte, tout vacille, l'avenir s'obscurcit, le compte à rebours est lancé. Un dialogue silencieux et privilégié s’instaure alors avec le spectateur, seul témoin du parcours long et sinueux dans lequel Anne doit s’engager pour conserver sa liberté et devenir la femme qu’elle souhaite être. On assiste à la longue dilatation du temps, où les semaines et les jours s’écoulent et où l’on s’en trouve, spectateur comme personnage, si impuissant face à l'inéluctable. Plus que l’impuissance, c’est la solitude qui parcourt tout le film. On encaisse les coups, les douleurs, on reste digne lorsque les ami(e)s, les médecins et les proches s’éloignent pour ne pas endurer le poids moral de l’avortement. Anne use de silences et de non dits, parler c’est risquer d’être jugée, rejetée. Se taire, c’est se condamner au pire, accepter son propre sort. Le cercle est vicieux, inarrêtable, mais Anne ne vacille et ne doute jamais, elle est déterminée et c’est là sa meilleure arme.


L'évènement ne revendique pas, ce n’est pas un film qui vous dit comment et quoi penser, il vous expose la réalité, celle de la maternité chez les jeunes filles avant la légalisation de l’avortement. Audrey Diwan met en image et en sensations ce qu’on vécu et ce que vivent encore des millions de femmes. Vous parler de l'évènement est un exercice difficile. Décrire ce qui s'y raconte ne suffit pas à décrire toutes les vagues d'émotions qui traversent le film. L'événement est une expérience qui se vit plus qu'elle ne se raconte, c'est un film qui vient vous chercher, vous secoue, vous change ... Durant la projection, les soupirs, les larmes, les râlements se mêlaient aux réactions médusées et outrées de certains spectateurs qui n'ont trouvé d'autres solutions que de quitter la salle en claquant la porte. La salle était bruyante, mouvante, chuchotante. A mesure que la solitude et le silence envahissent le film, la salle s’agite, bruisse, incapable de rester silencieuse face à tant d’injustice et d’impuissance. C'est un film où la réalité est brute, sans filtre, un film où l'on voudrait souvent tourner le regard face à une réalité bien trop réelle pour être vraie. On regarde et on affronte cette réalité crue mais pas voyeuriste, violente mais pas extrême. Durant 1h40 le spectateur devient témoin et est invité à comprendre le passé avec son regard d'aujourd'hui, il est invité à se questionner, à comprendre. Il n'y a rien de réactionnaire, ni de féministe, ce n’est pas un “film de femmes”, c'est une œuvre humaniste, un incroyable combat pour la vie, un film vivant qui met en avant la détermination d'une jeune femme à vivre, s'élever, s'instruire. Le ton est toujours juste, le regard de la réalisatrice tend en permanence vers la neutralité. Elle filme son actrice de près, mais en gardant toujours la distance suffisante pour laisser de la place à la solitude et au déterminisme du personnage principal. Anamaria Vartolomei incarne ce destin solitaire avec une justesse constante, à la fois jeune fille et jeune femme, son jeu use de sensibilité, de rondeur. Elle joue avec le déterminisme qui parcourt son personnage principal. C’est une incarnation totale, où chaque réplique, chaque geste, chaque regard, est un poing levé, un cri de guerre. La détermination de Anne rencontre celle des actrices, des acteurs et de la réalisatrice, toutes et tous avancent d’une seule et même voix pour porter à l’écran cette incroyable histoire qui ne s'apitoie jamais et qui fait de la détermination une arme bien plus forte que l’ignorance. Que la fin soit heureuse ou malheureuse, ce qui triomphe c’est la force de Anne, sa capacité à se relever, avancer, ne jamais abandonner, croire en elle. Croire en la vie. On en ressort bouleversé, pleins d’espoirs, d’émotions, et avec la drôle d’impression d’avoir assisté à un curieux événement...

pollly
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le 24 oct. 2021

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