(Cette critique a été rédigée le 25 août 2017 sur la fiche de L'Exorciste: La Suite (https://www.senscritique.com/film/l_exorciste_la_suite/critique/85675003), car le Director's Cut n'était pas encore apparu dans la base de données de SC. J'en ai profité pour y ajouter ou modifier quelques éléments ce jour-ci).


1977: The Exorcist II: The Heretic sort au cinéma et ne reçoit qu'une volée de bois vert qui se mérite amplement.


Sorte de gloubi-boulga pseudo "philosophico-théologique" à base de sauterelles, de sessions d'hypnoses et de sorcier Africain, le film de John Boorman vomit mittéralement sur le film du regretté William Friedkin en le ridiculisant via un scénario déconstruisant le mythe de Pazuzu et la possession de Regan en proposant une origin story totalement idiote.
Bide monumental (autant critique que public), The Heretic ulcère Friedkin et Blatty qui avait eu la décence de refuser de participer à cet Exorcist II.


Cela dit, William Peter Blatty réfléchissait à une éventuelle suite de son propre roman et écrivit un scénario, dans l'optique que Friedkin le réaliserait.
Malgré son intérêt initial, le réalisateur et le romancier/scénariste ne purent surmonter leurs idées divergentes, quant à l'orientation du film.
Dépité, Blatty transposa son script en un roman nommé Legion, titre se référant au chapitre 5 verset 9 de l'évangile selon Saint MarcJésus demande à un possédé


-:...Quod tibi nomen est ? (quel est ton nom ?)


Et l'homme dit :


-Legio mihi nomen est, quia multi sumus (Légion est mon nom, car nous sommes plusieurs).


Ce second opus littéraire se concentre sur une philosophie théologienne plutôt que sur un succédané horrifique.
Non pas que l'horreur soit absente de Legion, mais elle n'est aucunement le moteur de l'intrigue.


Bien que les ventes de ce nouveau roman soient moindres en regard de l'original, le producteur James G. Robinson (fossoyeur/producteur de cinéma, via sa compagnie "Morgan Creeks"), acquiert les droits en vue d'une adaptation cinématographique.
John Carpenter fut approché pour la réalisation et bien qu'il fut fortement intéressé par cette idée, il devint rapidement clair que Blatty voulait le réaliser à tout prix.


Après validation du scénario final par Morgan Creek, le tournage débuta en 1989 avec au casting:


-George C. Scott (reprenant le personnage du Lieutenant Kinderman interprété par Lee J. Cobb dans l'original, mais comme celui-ci est mort en 1976...),


-Ed Flanders est le Père Dyer (le Père O'Malley le jouait en 1973, mais il avait abandonné sa carrière dans le cinéma, donc...)


-Brad Dourif interprète quant à lui le Père Karras (Jason Miller étant devenu alcoolique entre temps, il n'était pas "dispo" pour un rôle avec autant de lignes de dialogues).


Une fois fini, la copie de travail est montrée aux exécutifs de Morgan Creek (dont l'incompétent James G. Robinson) et c'est une pluie de critiques qui s'abat sur le premier montage de Blatty.
Sa réalisation n'est pas mis en cause, mais Morgan Creek décrète (après avoir refusés de titrer le film "Legion", au profit de The Exorcist 1990, puis The Exorcist III, au grand dam de Blatty et de son producteur Carter De Haven) qu'il est nécessaire de faire un lien plus évident avec le film original.


Il est donc sommé au réalisateur/scénariste d'embaucher Jason Miller (malgré son état brumeux alcoolisé et son incapacité à retenir plus de 2 lignes de dialogues) pour reprendre le rôle de Karras), et surtout d'ajouter un exorcisme final au film.


Blatty est ulcéré par cette décision car dans son roman, il n'y figure aucune scène de la sorte et qu'en plus, Robinson avait pourtant donné son aval au script d'origine.
En effet, le récit s'articule autour d'un thriller mêlé à un questionnement religieux, sur fond médical.


Mais ne désirant pas qu'un autre réalisateur vienne saccager son film, Blatty tourne de nouvelles scènes avec de nouveaux acteurs (Miller donc, mais aussi Nicol Williamson dans le rôle d'un exorciste de pacotille), supprime d'autres scènes approfondissant peu ou prou certains personnages et surtout , le réalistauer /scénariste est contraint de sabrer l'excellente performance de Brad Dourif.
Celui-ci devient pour le coup le visage du Gemini Killer, tandis que Miller incarne les apparitions du Père Karras...


En résulte un film bancal où les intentions initiales de Blatty sont présentes mais avec de ridicules reshoots comme Karras possédé, une immense croix grouillante de cadavres surgissant du sol de la cellule et surtout, le foutrement inutile exorcisme du climax final.


Je venais juste de voir le Director's Cut lorsque j'ai rédigé cette critique (après avoir remonté le film moi-même l'année précédente en suivant les intentions initiales du réalisateur) et force est de constater que maintenant, William Peter Blatty's Legion retrouve de sa superbe, même si les scènes du montage de la copie de travail sont d'une qualité assez médiocre puisque tirées d'un Master VHS et pas ré-étalonnées ni nettoyées).


Brad Dourif retrouve donc toutes ses scènes en tant que Karras (physiquement parlant) et en tant que Gemini (spirituellement parlant), redonnant ainsi une cohérence bienvenue à l'ensemble.


Plus que tout, la fin originelle retrouve enfin sa place (Kinderman abat froidement Karras, qui partage donc son corps avec le Gemini Killer), donnant alors dans une sobriété exemplaire, loin donc de la version pleine d’esbroufe du cut cinéma.


Après, certaines scènes réinsérées ne sont pas vraiment capitales pour la compréhension globale, et qui plus est, pas de trace du plan où l'on voyait la tête tranchée du Père Kanavan, posée à l'intérieur du confessionnal (une image pourtant présente dans les affichettes promotionnelles lors de la sortie du film).
Dommage aussi que les crédits d'ouverture et ceux de la fin n'aient pas été modifiés en tout état de cause: en effet, les noms de Jason Miller et de Nicol Williamson y sont toujours présents, alors qu'ils n'apparaissent nullement dans cette version...


Quoiqu'il en soit, WPB's Legion reste à ce jour la meilleure suite au film de Friedkin, George C. Scott et Brad Dourif y sont excellents et le score de Barry De Vorzon tout à fait recommandable.
J'ai toujours apprécié ce film qui osait changer de direction dès son entame (le main title résumant ça lorsque retentit au tout début Tubular Bells pendant quelques secondes, puis s'évanouit rapidement pour être remplacé par autre chose de plus organique, comme un râle de mauvaise augure:


Main Title / Devil's Trail by Barry De Vorzon:
https://www.youtube.com/watch?v=4whA9Yt9_QM


Il est clair que le film matriciel n'avait besoin d'aucune suite mais ici, c'est au moins la seule qui fait honneur au film de Friedkin car totalement différente dans son traitement puisque comme vous l'avez compris, il n'a jamais été question d'exorcisme dans ce Legion ni dans le roman homonyme, ni dans le scénario validé par Ducon Robinson, mais d'un Mal aérien qui se transmet après que l'hôte ait été éradiqué.


En fin de compte, il en découle que sans William Peter Blatty, la saga de The Exorcist n'est pas très fréquentable car nous avons eu droit:


-The Heretic et ses acteurs en roue libre cabotinant (Louise Fletcher et parfois Blair) ou en non-jouant (l'absent Richard Burton, aussi expressif qu'un poisson mort),



  • au mauvais Exorcist The Beginning de Renny Harlin qui offre un make-up dégueulasse de fête foraine et des ricanements gonflants tout du long (remplaçant la version bien plus interessante qu'en avait fait Paul Shrader avec son Dominion, Prequel to the Exorcist - que Blatty himself appela "a handsome, classy, elegant piece of work" -, plus axé sur le psychologique et offrant à Billy Crawford son unique rôle - plutôt bien joué au demeurant - au cinéma, du moins à ma connaissance),


  • la série inintéressante feat Geena Davis (jadis actrice douée et ex de Renny Harlin...)


  • et l'effroyable Exorcist Believer sorti il y a presque 1 mois, qui prend tout le monde pour des cons avec sa bien politiquement correcte glace deux boules vanille/chocolat possédée par l'esprit de mon cul et tombant dans tous les pièges à éviter concernant les films de possession...
    Bravo Green!



Et comme William Peter Blatty nous a quitté le 12 Janvier 2017, la franchise risque de ne jamais s'en relever et je ne pense pas que ni Exorcist Deciever ni Exorcist Sucker inverseront la tendance)...


Rest in Peace, Bill !


Gloria / Come Falda di Neve composed by Orlande DeLassus and performed by Burleigh Seaver
https://www.youtube.com/watch?v=j92mIoIgUKg

Franck_Plissken
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le 9 nov. 2023

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The Lizard King

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