Lu (prénom Da-nian) arrive dans un village en provenance de Taipei (plus grande ville, 2 600 000 habitants, de l’île de Taïwan, République indépendante située au large des côtes chinoises), pour remplacer au pied levé, sa grande sœur institutrice qui doit s’absenter plusieurs mois jusqu’aux vacances scolaires d’été. Da-nian arrive par le train.


Le film montre son intégration dans l’école, avec la rencontre de sa charmante collègue, mademoiselle Chan (prénom Su-yun). Parmi ses jeunes élèves (une classe de primaire), on le prévient avant son premier cours, figurent Cheng-kuo, Chin-shui et Wen-chinc connus comme les 3 mousquetaires... Plus tard, l’ambiance de la classe évoluera avec l’arrivée d’une nouvelle, frêle jeune fille cousine d’un élève de l’école.


Si le scénario ne réserve aucune surprise majeure, le film séduit ne serait-ce que par son rapport avec la nature. La vallée, traversée par un cours d’eau qualifié de ruisseau où les uns et les autres jouent, pêchent et se baignent, est particulièrement verdoyante et accueillante. Un des mousquetaires se révèle en recueillant un hibou blessé. Certains utilisent des moyens illicites pour pêcher, en particulier monsieur Chou le père d’un des élèves de Da-nian. Le père fait honte à son fils, pourtant il cherche juste à gagner sa vie. La conscience de Da-nian (Kenny Bee) s’éveille. Craignant que la rivière se vide, il organise une action typiquement écologique qui éveille un écho favorable auprès du directeur de l’école. Enfin, une beauté locale qui travaille comme vendeuse dans une boutique poursuit Da-nian de ses assiduités. Le caractère de la jeune femme vaut quelques scènes « électriques ».


Ce film (1982) signé Hou Hsiao-hsien (scénario et réalisation), est son troisième (après Cute girl (1980) et Vent folâtre (1981)). Une œuvre mineure à son avis. On note néanmoins que le réalisateur est né en Chine (1947) de parents venus enseigner à Taïwan un après sa naissance. Une œuvre à résonances personnelles donc.


Le futur réalisateur des Fleurs de Shanghaï (1998) et The assassin (2016) cherchait encore ses marques, tout en exerçant une activité qui lui convenait. On remarque à ce propos que, dès leur premier face à face en classe, Da-nian demande aux 3 mousquetaires ce qu’ils veulent faire dans la vie. L’enthousiasme de Da-nian dans sa nouvelle situation correspond à celui de Hou Hsiao-hsien. Son plaisir de filmer saute aux yeux. L’écran large lui donne de l’aisance pour les paysages et les situations de groupes. Il se fait plaisir avec les couleurs (le vert de la végétation, les nuances de bleu dans l’eau pure du ruisseau et les couleurs de la robe de Su-yun (Chen Meifeng) lors d’une sortie autorisée par son père). Les personnages respirent la joie de vivre et la bonne humeur (le sourire de Su-yun qui enseigne en chantant). Les activités des uns et des autres restent relativement simples (repas conviviaux, apprentissage à l’école, loisirs nautiques puisque le clair ruisseau se trouve à disposition, etc.)


Le vrai regret, c’est que le film manque d’enjeux dramatiques. Le petit Lu se fera-t-il croquer par la beauté locale ou bien trouvera-t-il une opportunité auprès de Su-yun ? Lorsque cette situation se dénoue, on passe à l’épisode à caractère écologique qui reste bien gentil.


Reste l’ambiance qui tourne autour de l’école. On remarque que ces jeunes naturellement remuants (chamailleries et bagarres, remarques qui fusent à l’occasion, un message qui circule clandestinement dans la salle de classe, espiègleries, etc.), sont finalement assez disciplinés : rassemblement général dans la cour le matin, rythme de travail donné par une cloche diffusée par haut-parleur extérieur, l’un d’eux (non identifiable) qui donne le signal pour se lever puis saluer le maître ou la maîtresse qui entre dans la salle, distribution des copies corrigées (apparemment avec l’application d’un barème sur 100) par l’un d’eux, et les réactions cocasses à propos d’un test de santé. Sans trop l’air d’y toucher, Hou Hsiao-hsien donne beaucoup de vie et de chaleur humaine à son tableau, ce qui justifie la référence à John Ford dans mon titre. Sa tâche est facilitée par le naturel des enfants, très dynamiques (voir les scènes qui se font écho au tout début et en clôture du film, de garçons à la poursuite du train). Les mimiques et attitudes sont constamment justes, jusqu’aux gaucheries par exemple lors du spectacle de fin d’année, sur la scène du théâtre où loge Da-nian.


La musique (cosignée Huang Mou Shan et Tso Hung Yuan) joue un rôle important dans ce film (Green Green Grass of Home, version anglaise du titre, est celui d’une chanson puis d’un album de Tom Jones). Parfois nostalgique, le plus souvent entrainante à l’image du montage et de la mobilité de la caméra qui rend bien le mouvement de ces jeunes pousses, elle alterne chanson sentimentale et morceaux instrumentaux, pour contribuer au charme de ce film méconnu.

Electron
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le 11 août 2016

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