"Ne doutez jamais qu'un petit groupe d'individus conscients et engagés puisse changer le monde."

Étonnante redécouverte en haute définition de ce film sorti 30 années auparavant et vu à maintes reprises sur cassette vidéo durant mon enfance. Derrière son côté parfois grotesque et ses airs enfantins, le film propose néanmoins une vision de la décadence intellectuelle et culturelle de notre époque à travers la vie d'un jeune garçon passionné par la lecture.


Ce boy-scout dans l'âme, Bastian, vit seul avec son père et se plonge régulièrement dans ses histoires, son univers qu'il s'est inventé pour mieux affronter la perte de sa mère qui tourmente son esprit. Mais confronté à son paternel et accumulant les problèmes dans son parcours scolaire, il devra choisir entre garder les pieds sur terre ou continuer d'avoir la tête dans les nuages. Là réside toute la nuance. Devenir adulte signifie t-il renoncer à ses rêves pour affronter les problèmes de tous les jours ?


Embêté par quelques camarades, et les fuyant pour éviter une nouvelle fois de finir au fond d'une benne à ordures, il trouve un endroit où se réfugier. C'est une librairie tenue par un vieil homme qui dénigre le modernisme. Face aux mises en garde d'un mystérieux livre marqué par l’emblème d'Auryn en couverture, Bastian va profiter de son inattention et n'écouter que sa curiosité afin de s'en emparer. Cette scène révèle une transmission de savoir entre deux générations, chose qui se perd et s'oublie dans notre civilisation contemporaine.


Le bouquin, intitulé "The Neverending Story", narre l'histoire du royaume de Fantasia, depuis peu rongé par un mal sans précédent, le néant ! L'impératrice s'éteignant à mesure que ce phénomène grandit, il ne reste qu'un seul espoir pour délivrer cet éden de la catastrophe. Atreyu, un jeune guerrier chasseur de bisons, vient prêter main forte aux siens. Dans son aventure, il surmontera les multiples épreuves qui l'attendent, accompagné par Falkor, un dragon porte chance.


Des montagnes argentées aux mortels marécages de la mélancolie en passant par le désert des espoirs ruinés et les tours de cristal, Atreyu nous fait visiter l'immensité de Fantasia. Les énigmes des Sphinx et la disparition d'Artax, le fidèle destrier du guerrier, occasionnent des scènes marquantes et poignantes par leur cruauté. Les vastes paysages et le bestiaire burlesque nous en font voir de toutes les couleurs.


L'énorme loup noir nommé Gmork, serviteur du néant, est la dernière créature à s'opposer à l'avancée du jeune guerrier. Ce monstre lui explique que tout dans Fantasia fait partie des rêves et des espoirs de l'Homme. Mais depuis que les gens ont commencé à perdre l'espoir et à oublier leurs rêves, le néant envahit tout, symbole de l'autodestruction de nos consciences. Le vide et le désespoir détruisent notre pensée. Les gens qui ont perdu l'espoir sont faciles à soumettre et celui qui obtient la soumission détient le pouvoir. Un peu comme la démocratie ?


Alors que tout semble perdu et que Fantasia a sombré dans le néant absolu, l'espoir demeure. L'impératrice, Atreyu et Bastian exhalent de l'amour, du courage, de la réflexion ainsi qu'une force inouïe à ne pas baisser les bras. Ce trio juvénile dénote la seule et dernière lueur vers laquelle se tourner pour sauver le peu de fantasmagorie subsistant à notre humanité appauvrie. Notre garçon du monde réel prend dès lors conscience qu'il endure parallèlement l'équipée du livre qu'il dévore. Il offre d'abord un duel entre son flanc cartésien et sa face inconséquente puis met fin au deuil de sa mère, en transmettant le prénom de cette dernière à la jeune impératrice. Fantasia va ainsi renaître à partir d'un grain de sable miraculé et de tous les vœux souhaités par Bastian.


Le petit bonhomme décide donc d'affronter la vie, armé toutefois de ces acolytes, qui se sont entraidés durant le film.


Techniquement et visuellement à la hauteur pour son temps grâce à des artistes ayant déjà travaillé sur 2001, Alien ou encore L'Empire contre-attaque, cette fiction n'a rien à envier aux films d'heroic fantasy plus récents dans lesquels le budget passe intégralement dans des effets spéciaux virtuels parfois douteux et approximatifs.


La bande-originale composée par Klaus Doldinger et Giorgio Moroder nous offre une formidable sonorité sortie tout droit des années 80. Une judicieuse combinaison de musique classique et électronique donnant au film ses aspects rétro et kitsch, assumés. Limahl, le chanteur de Kajagoogoo, a interprété quant à lui la chanson culte du générique.


L'Histoire sans fin c'est un peu le récit de chacun d'entre nous, à qui veut bien y mettre du sien pour embellir la vie et la rendre plus supportable. Car sans imagination le quotidien serait lassant, inutile, tel un livre dénombrant une infinité de pages blanches. À nous de remplir de bonheur ou d'adversité ces pages intactes avec l'aide de nos désirs et nos rêves les plus chers.


Cette adaptation du roman éponyme de Michael Ende, donne envie de se plonger dans son ouvrage afin d'en apprendre davantage sur cet univers mielleux à la fois original et offrant sujet à discussion sur notre époque moderne.

Freddy_Krudette
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le 15 avr. 2015

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Freddy_Krudette

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