Cœur d'argile

C'est l'histoire d'un homme, aveugle d'un œil, et gardien d'un manoir isolé, qui fait la connaissance d'une artiste, héritière du lieu où elle souhaite venir se ressourcer, loin du tumulte de la vie citadine. De leur rencontre inattendue va naître une connexion singulière.

L'HOMME D'ARGILE est un film qui nous prend par la main pour nous raconter une histoire du soir, dans le calme et la tranquillité apparentes. L'histoire n'en est que plus poignante, car les passions du cœur de l'Homme sont mille fois plus violentes lorsque intériorisées. Les atmosphères baignent dans une étrange lumière (provient-elle du ciel ?) venant sublimer une image parfaitement maîtrisée, au halo divin et aux décors enchanteurs.

Anaïs Tellenne s'empare du mythe écrit par Gabrielle de Villeneuve pour mettre en scène la collision de deux êtres que tout oppose, l'une, artiste fière au tempérament exalté, l'autre, silencieux, disgracieux et solitaire. D'ailleurs le film présente tous les aspects du conte, sauf peut-être la morale, car dans toute affaire de sentiments, point de morale.

Voir, cela cache.

Ce qui frappe, c'est cet hommage sous-jacent à l’œuvre de Victor Hugo, dont le sens profond de l'humanité semble ici se répandre. "L'Homme Qui Rit" faisait ainsi se rapprocher deux êtres que des handicaps isolent du monde. Elle est aveugle, lui est difforme. Voir au-delà des apparences, tel est le propos du premier long-métrage d'Anaïs Tellenne, animée par cette idée de création cathartique : créer pour survivre. Survivre à quoi ? A la dureté du monde, à son insensibilité. L'artiste présentant son projet de "flacons de larmes" en est l'illustration. Emmanuelle Devos rayonne dans ce rôle taillé pour elle, celui d'une femme farouche qui répand le mystère de sa création sans la moindre prétention, et en sachant susciter la compassion. Quant à Raphaël Thiéry, ogre sensible et inspiré, s'ouvrant peu à peu au sentiment d'aimer avec force et fascination, il devient réellement le héros, celui dont le cheminement démarre avec l'arrivée de l'héritière.

Teinté de notes d'humour délectables au travers de personnages secondaires tous plus attachants les uns que les autres, L'HOMME D'ARGILE nous renvoie à cette urgence absolue : la poésie.