L’Homme qui Rit est un de mes romans préférés de Victor Hugo. Fable absolument géniale sur la différence au sein d’un univers finalement autant fantasmé que réaliste. L’adaptation cinématographique a donc énormément de potentiel. A noter d’ailleurs que je n’ai pas vu celle de Paul Leni de 1928. Là, c’est Jean-Pierre Améris qui s’en charge, réalisateur m’étant plutôt inconnu. J’avais cru comprendre que cette adaptation se permettait un petit style Burtonien... Ma foi, pourquoi pas, c’est un style qui pourrait aller vraiment bien, car quelque part entre Batman et Edward aux mains d’argent, il y a de quoi penser que Burton a déjà lu, et apprécié ce livre.
Bon, je laisse tomber le rideau de suite : j’ai été déçu. Car non seulement j’ai trouvé le film assez mauvais sur bien des aspects, mais en plus je me suis vraiiiiment ennuyé. Je ne doute pas que le film dispose de plein de bonnes intentions, seulement peu de choses finissent par prendre. Trop obnubilé par une satire sociale peu subtile (bien que la satire sociale ait souvent eu son importance chez Hugo), Améris en oublie finalement la thématique la plus intéressante de son film : la différence. Il y avait de quoi faire quelque chose de fabuleux dessus, quelque chose de dérangeant mais aussi de profondément intelligent, comme peut l’être par exemple le Freaks de Tod Browning. D’autant plus qu’autour de l’idée de ce « show » monstrueux, il y avait matière à faire quelque chose. C’est une dimension qu’il faut exploiter, plutôt que de la représenter froidement. Anna Karénine, pour citer un exemple d’actualité, joue complètement dessus, sur tout ce pan « scénique » au sein du film. Non, ici c’est assez plat, hélas. Jusqu’à ce que le film s’embourbe encore plus, à la fin, dans un réquisitoire grotesque, sans subtilité aucune qui ne rend service ni au film, ni au bouquin d’Hugo.
L’idée de créer quelque chose de « très visuel », c’était intéressant. Cela dit, le problème, c’est que tout demeure assez propre, assez convenu. Avoir une histoire dans un royaume complètement fantasmé, cela peut être passionnant, mais alors il faut l’exploiter à fond, et ne pas rester bêtement le cul entre deux chaises. Un tel univers doit s’exploiter. Mais non, on demeure plutôt dans la bête captation de quelques bonnes idées, dispersées çà et là dans le film.
Enfin, une des choses qui me dérange le plus, c’est la direction d’acteurs. Honnêtement, je l’ai trouvé passablement catastrophique. Constamment dans le faux, avec des répliques trop écrites, trop surjouées, Gwynplaine (maquillage un peu raté, au passage) et Déa n’offrent aucune crédibilité, et pire : aucune empathie. Seul le bon Depardieu relève un peu le niveau, toujours généreux dans son jeu, enclin à aider le bateau à flotter péniblement.
Belle déception, donc. Je ne dirais pas que j’en attendais véritablement quelque chose, mais il serait malvenu de dire que l’adaptation n’a aucun potentiel. Je suis intimement convaincu que Terry Gilliam en aurait fait un truc absolument dantesque. Ou même Jeunet, tiens.