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Le film Skënderbeu (1953), coproduction albano-soviétique réalisée par Sergei Yutkeviç, n’est pas une simple fresque historique retraçant les exploits de Gjergj Kastrioti contre les Ottomans. Il est aussi un produit idéologique clair du régime d’Enver Hoxha, qui sollicita directement sa production auprès de l’URSS. Présenté à Cannes en 1954, il reçoit le Prix International et s’impose comme une œuvre majeure du réalisme socialiste albanais.
Le récit met en scène les grandes batailles de Krujë et d’Albulenë, mais le propos dépasse le simple patriotisme. Skënderbeu y apparaît comme une figure communiste avant l’heure, un héros populaire et collectif. À ses côtés, le personnage de Gjin, berger et serf, incarne le peuple travailleur : doté d’une force hors du commun, il gagne l’estime de Skënderbeu et devient son égal, armé pour combattre les Ottomans. Dans cette logique, le héros n’est pas seulement un chef militaire, mais celui qui libère les opprimés et partage le pouvoir avec eux.
Une autre scène forte illustre cette lecture : lorsqu’une mère appelle à la vendetta, Skënderbeu l’en dissuade, affirmant que les Albanais doivent s’unir face à l’ennemi commun. Le film propage ainsi un message politique des années 50 : abandonner les coutumes archaïques, jugées sources de division, au profit d’une unité nationale et socialiste.
La fin est tout aussi significative. Un conteur aveugle, figure homérique, chante la gloire du héros et souhaite toucher son visage. Skënderbeu lui fait en réalité toucher celui d’un soldat, affirmant que lui n’est pas éternel, mais que le peuple l’est. Ce geste traduit l’effacement du chef derrière la collectivité : Skënderbeu est moins un individu qu’un symbole de l’Albanie socialiste et éternelle.
La portée politique est évidente. Les ennemis ottomans et vénitiens renvoient, dans le contexte de la guerre froide, aux fascistes et capitalistes. Le roi serbe Brankovic, traître allié à la Sublime Porte, évoque Tito, qui avait rompu avec Staline en 1946. Hamza, le neveu traître, rappelle les figures d’opposants albanais exécutés par Hoxha, comme Koçi Xoxe ou Mehmet Shehu. Ainsi, le film relit l’histoire médiévale à travers les rivalités communistes contemporaines.
Le rôle accordé aux femmes est également marqué par l’idéologie. Donika, épouse du héros, et surtout Mamica, sa sœur, apparaissent comme ses égales en valeur et en courage. Dans une scène, Mamica combat presque à l’identique de son frère, montrant que la femme, dans la vision socialiste, n’est plus définie par son genre mais par son rôle de travailleuse et combattante. Cette représentation s’inscrit pleinement dans l’esthétique réaliste-socialiste.
Peut-on dire que le régime d’Hoxha a « inventé » Skënderbeu ? Non. Le héros existait bien avant, célébré par la tradition orale, par Marin Barleti au XVIe siècle, par Naim Frashëri au XIXe ou Fan Noli au XXe. Mais le régime a transformé le noble seigneur catholique en héros du peuple, dépouillé de sa dimension religieuse pour devenir un symbole universel de libération nationale et de résistance au capitalisme.
En ce sens, Skënderbeu n’est pas un film historique mais un film politique. Il réécrit l’histoire pour servir le présent, façonnant une figure à la fois intemporelle et instrumentalisée : un héros communiste avant l’heure, incarnation de l’unité d’un peuple guidé par la lutte des classes.
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Créée
le 22 août 2025
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