Cherchant à échapper aux chaleurs intenses, je suis allée voir le seul film à l'affiche de mon cinéma à sembler un minimum attrayant. J'en suis ressortie dans un état d'énervement et de colère froide que j'ai mis quelques temps à comprendre.
J'ai eu tout d'abord l'impression qu'il s'agissait d'un "effet Parasite". La dernière Palme d'Or de Cannes aurait pu effectivement, par ses qualités esthétiques, narratives et cinématographiques, rendre plus difficile l'appréciation des films plus modestes. Mais après réflexion ne s'agit pas uniquement d'une forme d' "élitisation" du regard suite à la découverte de Parasite: je suis sortie de la salle agacée parce que le film est un enchainement de scènes lourdes, qui ne parviennent jamais à atteindre ce que le synopsis nous invite à espérer. Le synopsis promet un film beau et intéressant qui traite de la notion d'Art et de la création artistique dans des sociétés où l'utile passe avant l'esthétique.


Or, c'est un film tout en longueur, superficiel, qui appâte le chaland mais qui ne parvient pas à répondre aux attentes qu'il a pu susciter. L'histoire prend place l'Allemagne nazie tout d'abord, puis en Allemagne de l'Est avant de se poursuivre dans le bloc occidental. La représentation de l'art soviétique, du réalisme socialiste tel que donné à voir ici est d'une laideur incroyable. La diversité des formes de l'Art Rouge, qu'on a pu admirer au Grand Palais cette année, ne se résume pas à la représentation naïve du peuple sur une fresque murale.
La question, extrêmement intéressante au demeurant, de ce qu'est l'Art dans une société marquée par une forme de philosophie matérialiste qui rejette les codes de "l'art bourgeois" n'est traitée que superficiellement.
Il y a tout de même un problème à réaliser un film censé parler de l'Art et de l'esthétique, sans même le réaliser proprement. Rien n'est beau dans ce film, rien n'est Art, rien n'est esthétique. Les quelques scènes qui semble-t-il représente le beau pêchent par excès. Hormis quelques passages où l'on voit le personnage principal ressentir une certaine forme de transcendance depuis les cimes de l'arbre où il grimpe - transcendance par ailleurs exagérée, grossière et stéréotypée - , l'art n'est traité que par le prisme des relations interpersonnelles.
La figure du méchant médecin nazi qui abhorre l'art, lié de diverses manières à l'histoire personnelle de Kurt, ne vient que renforcer l'impression que l'Art n'est qu'un objet de conflits et de discussion entre individus. Le regard porté par le film sur la création artistique et l'art est sommaire, et on en reste au niveau zéro de la réflexion et de l'appréciation esthétique.
Rien n'est beau, rien n'est touchant, tout est prévisible. Le choix de découper le film en deux parties n'est pas non plus pertinent, si ce n'est pour — grossièrement — marquer les deux périodes de la vie de l'artiste.


Un film décevant, donc, à tous les niveaux.

Nolwenn_brd
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le 6 août 2019

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Nolwenn_brd

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