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Le premier grand classique de Stanley Kubrick

L'Ultime Razzia est un film dont l’héritage peut encore se voir dans de nombreux films aujourd’hui. Non seulement c'est le premier grand film de Stanley Kubrick, mais il est également connu pour avoir introduit au cinéma le concept de narration non linéaire. De nombreux réalisateurs vont le réutiliser par la suite, comme Quentin Tarantino (Réservoir Dogs et Pulp Fiction), Christopher Nolan (Memento et Le Prestige), Doug Liman (Go), Bryan Singer (The Usual Suspects), Guy Ritchie (Snatch), Alejandro Inarritu (Amours chiennes) ou encore Gus Van Sant (Paranoïde Park). C'est une technique de narration très efficace pour dynamiser le scénario et monopoliser l'attention du spectateur du début à la fin du film.


L'émergence de Stanley Kubrick au milieu des années 50 va tout chambouler sur son passage. Par le biais d’une narration éclatée et de quelques plans séquences astucieux pour l'époque (et qu'Orson Welles n'aurait pas renié), Stanley Kubrick ajoute un poids et une ampleur considérable à un récit de braquage finalement assez banal, prenant place dans le milieu des courses hippiques.


Johnny Clay (Sterling Hayden) est un ancien détenu de prison qui après sa libération, monte un dernier coup à plusieurs millions de dollars (2 millions pour être plus exacte). Il a pour idée de dévaliser un hippodrome à l'aide d'une fine équipe de spécialistes, tous ayant un rôle bien précis dans le braquage. C'est le plan parfait, de ceux qui aurait dû se dérouler sans accro …


Difficile de ne pas penser à Bob Le Flambeur de JP Melville après avoir vu L'ultime Razzia, tout deux pourtant sorti la même année ... coïncidence ? En tout cas, si les deux films se ressemblent sur le fond, ils sont totalement opposés sur la forme (sans que j'en préfère l'un plus que l'autre).


Stanley Kubrick a magnifiquement construit son scénario et sa mise en scène, à l’exception évidente d’une narration en voix-off qui parait horriblement lourde aujourd'hui. Préoccupé par la planification du braquage, Johnny ne va pas voir que l'un des membres de la fine équipe va tout raconter à sa femme qui est avide d'argent (et qui le trompe, soit dit en passant). A son tour elle va tout raconter à son amant, visiblement un truand lui aussi, afin de les doubler et voler le butin après l'opération finalisée.


Tout est bien pensé dans le scénario, notamment concernant les motivations des différents protagonistes. On distingue facilement les membres du gang, parce que justement ils sont motivés par des buts différents, allant du remboursement des dettes de la pègre (Ted Corsia aka Randy), à l’espoir d’offrir une vie meilleure à sa femme malade (Joe Sawyer aka Mike), ou la vaine ambition de plaire à sa femme vamp en faisant quelque chose de spécial (Elisha Cook aka George).


Malgré les qualités du film, le traitement des rôles féminins par Stanley Kubrick semble plus que caricatural aujourd’hui. Les femmes ici sont soit du type douce et inoffensive (Coleen Gray aka Fay), soit du type femme fatale et venimeuse à la Bette Davis (Marie Windsor aka Sherry). Les deux seules personnages féminins du films sont écrits comme les deux côtés d'une même pièce.


La vraie star du film c'est bien Stanley Kubrick himself. L’intrigue est complexe et ça fourmille d’idées de mise en scène. Le montage a dû être une véritable épreuve de force. Dans le découpage et la construction des plans, c'est un film d'une précision extrême, comme le seront toutes les œuvres suivantes de Stanley Kubrick. On suit les opérations du braquage en passant d'un membre à l'autre de l'équipe et le tout au moyen du flashback. Stanley Kubrick joue avec la perception du spectateur, qui doit faire l'effort de tout reconstruire dans sa tête.


Le film dure moins de 1h30, est super bien rythmé et on ne s'ennuie pas une seule seconde. A partir du moment où on comprend les règles du jeu, à savoir la narration éclatée, on prend un malin plaisir à essayer d'anticiper les évènements à venir. Et puis il y a le grand final, une fin en apothéose qui se pose là, comme une cerise sur le gâteau.


Le travail sur la structure narrative, avec les différents points de vue, est remarquable. C'est tout ce travail minutieux en amont et en aval du tournage, qui permet de hisser le film à un niveau qu'il n'était pas censé prétendre. Résultat, ce qui aurait dû être un banal film de braquage, devient instantanément un classique de genre.

Créée

le 5 juin 2022

Critique lue 186 fois

10 j'aime

lessthantod

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