Si on veut pinailler, on peut dire que la Captive aux yeux clairs n'est pas tout à fait un western mais plus un grand film d'aventure qui apparait comme une ode à la nature dont Hawks a su se faire le peintre passionné ; l'action se passe en effet bien avant la période classique qui va de la guerre de Sécession (1865) à la fin du XIXème siècle, à l'époque des trappeurs, c'est facilement vérifiable aux fusils à silex utilisés par les personnages. Mais comme il y a des Indiens, du commerce de peaux et des coups de feu, on a tendance à le ranger dans la catégorie du western.
Howard Hawks a donc réalisé son second western après la Rivière rouge en 1948 et avant sa trilogie constituée par Rio Bravo, El Dorado et Rio Lobo. Quand on sait qu'il n'a réalisé en tout que 5 westerns et qu'il est considéré comme un de ses maîtres au même titre que John Ford ou Anthony Mann, ça en dit long sur le bonhomme qui ici sait non seulement filmer la nature, mais aussi sait se montrer un analyste lucide des rapports humains.
C'est un western inhabituel qui ne comporte ni chevauchées, ni attaques de banques ou de trains, ni rivalités de fermiers, ni passes d'armes entre gunfighters, avec une intrigue assez mince où un groupe de trappeurs remontent le Missouri pour aller chercher des fourrures chez les Black Feet afin de doubler une compagnie peu scrupuleuse qui truste le marché. Pour faciliter l'échange, l'équipage ramène une princesse indienne dans sa tribu, et on se doute qu'une amourette va prendre forme.
Comme on le voit, Hawks se contente de cette trame pour conter une histoire d'hommes et d'amitié virile, un de ses thèmes favoris, auxquelles va s'ajouter le danger permanent qui rode ; Hawks transforme ce voyage sur le Missouri en une sorte d'aventure initiatique qu'il truffe de petites escarmouches, de pièges, mais aussi de tendresse et de truculence en s'attardant sur un paysage ou un visage, c'est un peu comme une promenade à travers la nature dont le rythme épouse celui de la rivière. Hawks s'en tient aux personnages et refuse tout ce qui pourrait nous détourner d'eux, le film a le charme étrange et bucolique de la grande aventure émaillée d'action et de bagarres, avec cet humour constant chez Hawks que l'on retrouvera également dans Rio Bravo, El Dorado ou Hatari... et cette camaraderie qui imprègne tout le film. Un film superbe, d'une grande pureté et profondément secret.

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le 26 janv. 2020

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Ugly

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