La Chatte sur un toit brûlant est un autre exemple, d'un phénomène fréquent dans les années 50. C'est l'adaptation d'une pièce de théâtre, dans laquelle toute les raisons d’être de la pièce, sont retirées lors du passage sur grand écran, ceci afin d’apaiser ces messieurs les censeurs. Tout de suite, je pense également à Sept ans de réflexion de Billy Wilder, l'adaptation d'une pièce qui traitait d'une affaire d'adultère, lui non plus ne put passer le cap de la censure. Ici, dans La Chatte sur un toit brûlant, le sujet épineux de la pièce et dont est adapté le film, c'est l'homosexualité du personnage principal.
Pourquoi les studios veulent-ils faire des films à partir de pièces de théâtre, si c'est pour supprimer tout ce qui les rendait intéressantes en premier lieu ? Sans ce sous-texte sur l'homosexualité du personnage principal, La Chatte sur un toit brûlant perd tout ou presque de son intérêt. Au final, ça ne raconte pas grand-chose, sauf que Paul Newman et Elizabeth Taylor se détestent tout au long du film, jusqu’à ce qu’ils fassent un virage complet à 180° et se réconcilient dans la scène finale. Je suppose qu’à l’époque, réunir deux acteurs bankables était suffisant pour attirer les spectateurs dans les salles, mais ce n’est plus une raison suffisante de nos jours. Le film est tiède et fade, avec une direction artistique peu inspirée. Le résultat est tellement déceptif, que c'est à se demander pourquoi cette pièce de Tennessee Williams est considérée comme un classique du genre.
Comme pour toutes les adaptations théâtrales, de nombreuses scènes sont excessivement bavardes, surtout celles entre Brick (Paul Newman) et Big Daddy (Burl Ives) dans le dernier acte du film. Cet aspect bavard du film, c'est aussi ce qui fait sa force. Certains dialogues sont certes longs et verbeux, mais beaucoup d'autres sont très agréables, en particulier ceux impliquant le conflit entre Maggie (Elizabeth Taylor) et Mae (Madeleine Sherwood) et toute la scène au sous-sol entre Brick et Big Daddy.
Toutes les performances d'acteurs sont excellentes, bien que Paul Newman dans le rôle de Brick soit un peu en retrait. Ce n’est que vers la fin, dans la scène au sous-sol, qu'il démontre tout son talent. Elizabeth Taylor est en permanence sur des montagnes russes émotionnelles, passant du flirt à l’agacement, du calme à l'agitation, le plus souvent dans une seule et même scène. Judith Anderson qui interprète Big Mama, est à la fois grossière et attendrissante. On compatit pour elle au moment où il faut souffler les bougies du gâteau d’anniversaire et dans la scène de confrontation à la fin.
S'il y a une bonne raison pour voir ce film, c’est pour Burl Ives qui interprète big Daddy. J'ai cru comprendre que son rôle a pris de l'importance dans le film par rapport à la pièce de théâtre, pour combler l'absence de propos sur l'homosexualité. Paul Newman et Elizabeth Taylor s’effacent en arrière-plan et le film devient l’histoire du patriarche. La performance d'acteur de Burl Ives est fascinante, en tant que chef de famille aux portes de la mort. Ayant désespérément besoin d’un héritier digne de son nom pour poursuivre son héritage et les valeurs qu'il a instaurées, il se montre belliqueux et émotionnellement froid avec les membres de sa famille. C'est clairement le personnage le plus intéressant du film.
L'aspect le plus développé du film, c'est sa dynamique sociale. Brick et Maggie n'ont pas à se plaindre, ils sont beaux, il sont jeunes et ils n'ont pas de problèmes d'argent. Ce sont des jeunes gens qui ont été gâtés par la vie et qui n'ont encore jamais assumé aucune responsabilité. A l'inverse, Gooper et Mae sont l’incarnation même du couple sérieux voulant fonder une grande famille (le sixième rejeton est en route). Brick est un ancien joueur de football alcoolique, tandis que Gooper est un avocat d’entreprise. Malgré tout, Big Daddy et les spectateurs du film (et probablement aussi l'auteur de la pièce Tennessee Williams) préfèrent clairement Brick et Maggie à Gooper et Mae. Tous les aspects de la personnalité de Gooper et Mae, même ceux qui témoignent de valeurs traditionnelles, sont dépeints comme mesquins et calculateurs. Même si Gooper et Mae font tout ce qu'il faut pour s'attirer les bonnes faveurs de Big Daddy, ils le font pour de mauvaises raisons. Ainsi, Big Daddy se rend compte aux portes de la mort, que tout ce qui est important, c'est d’aimer, d'être aimé et d’exprimer cet amour.
Toujours est-il que tous ces bons points n'effacent pas le gros point noir du film, c'est à dire la censure dans les années 50. Il n’était tout simplement pas possible de filmer une pièce de théâtre sur l’incapacité d’un homme (se sachant ou ne se sachant pas) homosexuel, à pardonner sa femme pour son rôle dans la mort de son pseudo-amant. En conséquence, le film élude toute la question et se concentre sur la sous-intrigue, à savoir qui héritera de Big Daddy quand il sera mort. Au final, le film manque de substance, c'est divertissant, mais pas particulièrement marquant.