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Voilà un objet qui mérite le détour. A la base c'était une commande pour la télévision (arte), sur le thème masculin/féminin, et qui dit télé dit vidéo, c'était donc le format imposé. Un exercice de style avec lequel Amalric joue, poussant le défi jusqu'au bout et en explosant largement les limites.

En pleine campagne de 2001, le thème de la parité faisait beaucoup parler, il décide donc de se lancer dans le sujet, l'histoire d'une campagne politique avec Michèle Laroque et Jean-Quentin Chatelain (assez rare au cinéma), absolument géniaux tous les deux. Mais Amalric ne peut se résoudre à ça, une scène d'interview nous le rappelle, le masculin/féminin c'est quand même beaucoup l'amour, la paternité/maternité, tout ça, tout ça.... les banalités en somme. La difficulté se faire ressentir, Amalric n'arrive pas à se sortir de ça. Ajouter à cela la vidéo qui ne facilite rien, en 2001 le média ne fait pas rêver.

Du coup retournement de situation, ou mise en abime extrême : on fait un film sur un réalisateur qui fait un film sur la parité. Le film est nul, ce qui donne des scènes à mourir de rire, et filmé en pellicule, c'est un film (mais dont on ne voit pas les images). Mais le réalisateur, largement inspiré d'Amalric lui même, vit un histoire conjugale complexe, sur fond de séparation, traitée avec une incroyable subtilité. Et il (le réalisateur fictif) filme cette relation ... en video bien sûr, avec une petite caméra DV. Et pour couronner le tout, son film sur la politique n'est qu'une réécriture de ce qu'il vit, grossièrement transposé à la politique.

Trip théorico-conceptuel ? Pas du tout, tout cela se mêle avec un étonnant naturel. Les scènes de réécriture du texte sont très drôle, les scènes d'amour pas grandiloquente et très sincères. Et puis il brouille les pistes, c'est la femme qui trompe son réalisteur et qui mène de bout en bout la séparation, lui a une attitude très "féminine" vis à vis de ce qui se passe, rôles inversés. Son monteur monte aussi la video de sa vie amoureuse. Le mariage complet des deux volet se fait finalement dans dans une literie (!) qui lui sert de lieu de méditation : "Le Lit National" (sublime trouvaille, qui est un magasin réel). Un jeu de piste et de miroir permanent.

Et puis il y a l'explosion, qui amène à la séquence de fin. Une dialogue d'amour, un des plus beau que j'ai vu au cinéma, sur l'impossible séparation amoureuse, l'impossibilité de stopper cette attirance entre le masculin et le féminin, la nécessaire répulsion, . Cette scène qui pourrait être du théâtre, bien moins "cinématographique" que le reste du film, est filmée en 35mm, on quitte la video.

Bien sûr ce film n'a trouvé sa place nul part, pas plus au cinéma qu'à la télé, et il donc rare. Cela reste un film génial sur les opposés, en politique, en amour ou chez les caméras, qui fait beaucoup rire, et puis un peu réfléchir si le cœur nous en dit...
Étienne_B
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le 25 nov. 2011

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Étienne_B

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