A la fin de ce film réside, chez le spectateur, une pure sensation de dépaysement.
La Cicatrice Intérieure n'est pas un film linéaire, construit avec une situation et des personnages bruts, bien établis. C'est une pure poésie expérimentale.
Il n'y a pas de scénario. Mais plutôt des lieux et des personnages, tous liés par des séquences qui viennent former un tout très mystérieux et underground, que viennent accompagner les musiques ultra-planantes de la chanteuse Nico (qui joue dans ce film et qui a également écrit les dialogues).
Dans ce désert, ce glacier, cette grotte ou cette plage, le spectateur fait donc la rencontre de plusieurs personnages, tous mystérieux, qu'incarnent notamment Nico ou Philippe Garrel lui-même. Ce dernier d'ailleurs campe un jeune homme taciturne à la coupe de cheveux flamboyante que Nico appelle le Démon. Nico incarne quant à elle une jeune femme ayant une forte propension à pleurer et à crier. Nous découvrons également des enfants et un homme nu, à l'allure bizarrement christique.
Cet objet cinématographique provoquera clairement ou bien l'adhésion du spectateur qui se laissera happer, ou bien le rejet du spectateur. Dans les deux cas, on se demandera ce qu'on est en train de voir.
On tentera alors de comprendre et de se poser, on l'espère, les bonnes questions.
Mais viennent alors s'interposer les déclarations du réalisateur Philippe Garrel, qui affirmait ceci :
"Il ne faut pas regarder La Cicatrice intérieure en se posant des
questions, il faut le regarder juste par plaisir, comme l’on peut
prendre plaisir à se promener dans le désert."
Face à une œuvre pareille, comme précisé, il semble pourtant évident que le spectateur lambda, celui qui est peu habitué à des œuvres de ce genre, se posera une avalanche de questions (y compris celui qui se laissera malgré tout transporter) !
Pourquoi pleure-t-elle autant ? Pourquoi dit-elle qu'il est le démon ? Pourquoi est-il nu ? Pourquoi ces moutons ? Pourquoi cet enfant ? Pourquoi une telle hésitation entre l'allemand, l'anglais et le français ?
Certains crieront à l'onanisme intellectuel, un plaisir que le réalisateur donne en public uniquement pour se donner un genre. Mais d'autres, comme moi, tenteront d'ingérer les propos de Philippe, et se diront (ou se rappelleront) peut-être finalement que parfois au cinéma, il existe des œuvres qu'il ne faut pas chercher à comprendre. Parce qu'elles ne doivent pas être comprises, mais ressenties.
Et on ne saurait dire comment, mais l'ambiance mystérieuse fait qu'une aura règne sur ce film. Quelque chose qui, une fois ce métrage fini, nous donne envie d'y replonger tout de suite après.
Toujours est-il qu'au final, on ressort une première fois de La Cicatrice Intérieure perturbé. Mais en tout cas, comme précisé au tout début de cette critique, on a alors en nous comme une délicieuse sensation de dépaysement après avoir voyagé autant dans ce désert, cette plage, cette grotte et ce glacier. Resteront alors des images d'une grande beauté et des musiques planantes.
Personnellement, après ça et Le Sel des Larmes, je crois et j'espère que Philippe et moi allons bien nous entendre.