Des dialogues qui fusent comme des balles perdues, une vitesse de narration qui joue sa partition sans jamais se départir de quelques rifs homériques, le sens du verbe, et tout ça dans des espaces clos dont les seules échappatoires provoquent dégringolades et chutes mortelles. Du grand art par un artificier de l’anti politiquement correct qui fait passer la comédie actuelle pour de la gaudriole.


On rentre dans le vif du sujet avec l’entrée en scène de l’incroyable Rosalind Russell dans un traveling génial d’une fluidité hallucinante, dans lequel les dialogues au couperet fusent à la vitesse d’un train qui avance dans la nuit.


2 mn et 18 seconde :
- Rosalind Russell : « Et le courrier du cœur ? »
- Une pigiste : « Ma chatte a encore eu des petits »
- Rosalind Russell : « tu l’as cherché »


J’ai du faire un retour en arrière pour vérifier que ce que j’ai crû entendre était avéré. On est en 1940, la guerre frappe le vieux continent. On est dans l’ère du code Hayes et le malin Hawks détourne les conventions à coup de citations fulgurantes et de dialogues affûtés.


Le duo Russell/Grant est explosif et fonctionne à merveille en mode romance sulfurique. Ça fuse de tous côtés. Leur jeu fait de subtilités saupoudré de cynisme est absolument détonant.
Le politiquement correct en prend pour son grade. Et tout y passe, ce qui n’est absolument plus le cas dans le cinéma actuel. Et d’autant plus dans ce cinéma qui se croit transgressif et qui ne fait qu’édicter les carcans systémiques « in » et n’est qu’une bouillie infecte débilitante.


La comédie romantique sous acide atteint ici des sommets, dans un jeu de séduction filmé comme l’assaut d’une citadelle. Les « choubidou-bidous » sont distribués à coups de lance-flamme, et l’instrumentation sentimentale d’un concerto en mode « Romeo Meet Juliette » résonnent aux staccatos rythmiques d’une mitraillette Thompson. Cette guerre des sexes qui fait exploser tous les carcans débilitants qui pourrissent notre société actuelle est finement menée et ne déroge jamais aux règles élémentaires consistant à prouver que la femme et l’homme sont des êtres complémentaires.


En plus d’une extraordinaire comédie de mœurs filmée comme un film d’horreur, ce film est une habile peinture au vitriol du monde cynique du cirque politico-médiatique qui fait un bien fou en cette période de perte absolue de la pensée raisonnable et de l’affect débilitant.

philippequevillart
8

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le 1 avr. 2020

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