Un western que j'ai découvert, comme la plupart des gens de ma génération, lors des "dernières séances" de Monsieur Eddy.

Un western que je voulais commenter depuis longtemps mais les priorités en avaient décidé autrement.

Delmer Daves reprend dans ce western le sujet de la haine entre colons et indiens évoquée dans "la flèche brisée" mais sous un autre angle. Alors que dans le premier film, Daves partait de l'amitié entre un blanc et un indien pour construire la paix, ici, Daves part de la haine viscérale que portent certains blancs sur les indiens même si elle se cristallise sur un blanc qui a adopté les coutumes comanches.

Au-delà de toutes ses qualités, j'ai tendance à trouver ce western porteur de pédagogie. Pour faire très court, un homme "indien", Todd le comanche, promis à la pendaison pour le crime de plusieurs hommes "blancs" va se retrouver en position de protéger un petit groupe d'enfants et d'adolescents contre des hordes d'apaches très hostiles. Ce groupe va devoir apprendre les règles de survie édictées par Todd et surtout à lui faire confiance. L'hostilité marquée de certains va peu à peu évoluer et finir en reconnaissance.

Mais ce qu'il y a d'intéressant, c'est que Daves nous décortique non pas les raisons historiques de l'aversion blancs/indiens mais les bases des raisonnements qui ont justifié a posteriori les massacres d'indiens.

D'abord, un indien est un être humain qu'on doit traiter comme tel. Dans le film, certains pionniers s'élèvent contre le traitement inhumain exercé contre le prisonnier comanche au motif qu'il n'est qu'une bête sauvage qui a tué des êtres humains.

"Tu ne tueras point" impose la Bible. Mais cela s'applique uniquement à ceux qui ne sont pas ennemis. Car le dieu de la Bible autorise (recommande ?) de tuer son ennemi. Ce que veut montrer Daves, c'est qu'il n'y a aucune raison empêchant le raisonnement de s'appliquer de façon symétrique. Ah mais s'écrie le juge, ce n'est pas la même chose "tuer en temps de guerre" et "tuer en temps de paix". Sauf qu'il reste à définir, ce qu'est la guerre et le processus de déclenchement de la guerre.

Je rassure tout de suite, le western de Daves ne s'est pas transformé en un forum philosophico-politico-théologique mais j'aime bien qu'à l'occasion d'un film on pose, mine de rien, des questions essentielles, un peu comme on déposerait des graines dans un sillon dont on espère qu'elles prendront …

Non, ce western est une belle histoire humaniste qui est un plaidoyer pour la compréhension et la tolérance, seules capables de combattre les préjugés.

"La dernière caravane" se caractérise par une mise en scène efficace comme la scène prégénérique quasiment muette qui impose une première image de Richard Widmark en "bad boy" puisque force restera à la loi (du shérif). Mais la qualité de la réalisation ne se borne pas à cette scène puisqu'on la retrouve partout dans ce western tourné dans les magnifiques paysages de l'Arizona.

Le casting est brillant avec des personnages un peu stéréotypés mais qu'importe.

Richard Widmark dans le rôle de Todd le Comanche en homme traqué puis prisonnier du shérif qu'il maltraite et affame en l'enchainant à une symbolique roue est très bon. Pire qu'une bête malfaisante. Il faut attendre un temps assez long dans le film pour qu'il émette enfin un mot le transformant de facto en homme.

Autour de Richard Widmark, on trouve les alliés :

Felicia Farr, profondément choquée du traitement infâme infligé par le shérif. On l'avait découverte dans Jubal dans un rôle tout aussi humaniste. On la retrouvera dans "3h10 pour Yuma".

Tommy Rettig, le jeune frère du personnage de Felicia Farr. On l'avait déjà croisé dans "Rivière sans retour" avec Marilyn Monroe…

Susan Kohner dans le rôle d'une métisse qui redécouvre la fierté de ses origines. On retrouvera cette actrice dans le sublime film de Douglas Sirk, "Mirage de la vie" dans un non moins magnifique rôle.

Parmi les méchants qui s'opposent au personnage de Widmark, je ne connais guère que Georges Matthews dans le rôle de l'épouvantable shérif (dont on se surprend à être content de ce qui va lui arriver)

En bref, western humaniste, pédagogique et splendide


JeanG55
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Westerns et Les films de Delmer Daves

Créée

le 5 sept. 2022

Critique lue 42 fois

5 j'aime

4 commentaires

JeanG55

Écrit par

Critique lue 42 fois

5
4

D'autres avis sur La Dernière Caravane

La Dernière Caravane
Docteur_Jivago
7

La rédemption

Après avoir déjà mis en scène La Flèche brisée qui abordait déjà la thématique du racisme et des relations entre indiens et blancs sur le territoire américain, Delmer Daves propose La Dernière...

le 21 juil. 2017

17 j'aime

4

La Dernière Caravane
Plume231
7

Un western imparfait mais beau et sincère !!!

Sept ans après "La Flèche brisée", considéré un peu à tort comme le premier western pro-indien, Delmer Daves a réalisé un autre film humaniste, qui aborde des thématiques comme le racisme, le...

le 21 août 2014

15 j'aime

2

La Dernière Caravane
Pruneau
8

La caravane passe, les chiants aboient

Très beau western, un huis-clos en extérieur dans de superbes décors, magnifiés par une réalisation nerveuse et féconde. Des personnages bien écrits, que complète une excellente interaction entre...

le 21 mars 2016

10 j'aime

4

Du même critique

La Mort aux trousses
JeanG55
9

La mort aux trousses

"La Mort aux trousses", c'est le film mythique, aux nombreuses scènes cultissimes. C'est le film qu'on voit à 14 ou 15 ans au cinéma ou à la télé et dont on sort très impressionné : vingt ou quarante...

le 3 nov. 2021

23 j'aime

19

L'Aventure de Mme Muir
JeanG55
10

The Ghost and Mrs Muir

Au départ de cette aventure, il y a un roman écrit par la romancière R.A. Dick en 1945 "le Fantôme et Mrs Muir". Peu après, Mankiewicz s'empare du sujet pour en faire un film. Le film reste très...

le 23 avr. 2022

21 j'aime

8

125, rue Montmartre
JeanG55
8

Quel cirque !

1959 c'est l'année de "125 rue Montmartre" de Grangier mais aussi des "400 coups" du sieur Truffaut qui dégoisait tant et plus sur le cinéma à la Grangier dans les "Cahiers". En attendant, quelques...

le 13 nov. 2021

21 j'aime

5