Le film a été réalisé par Jacques de Baroncelli en 1942 sur un scénario adapté du roman de Balzac par Giraudoux. Ça ne peut donc pas être quelconque…
J'aime beaucoup découvrir l'interprétation d'un roman que j'aime ou ai aimé à travers un film. Comme il ne peut s'agir que d'une interprétation, je suis très tolérant pourvu qu'il n'y ait pas de contre-sens flagrant.
D'abord, ça me permet de visualiser les personnages. Parfois, ça "matche" avec l'idée que j'en avais, parfois, pas. Mais toujours, ça me permet de donner de l'épaisseur au personnage.
Ensuite, tout ne pouvant être retranscrit (un film dure 2 heures et le roman 200 pages en moyenne), le scénariste et réalisateur font des choix, accentuent ou minimisent telle action : quand c'est bien fait, ce n'est pas rare que j'apprécie la différence et que je découvre un aspect qui m'avait échappé dans le roman.
Ici, le film ne trahit pas le roman de Balzac sur le fond. Par contre de nombreux points sont différents ou plutôt différemment vus ou perçus par Giraudoux.
Edwige Feuillère y est excellente et on observe tout le long du film l'évolution de son visage au fur et à mesure où elle vieillit et comprend qu'on ne peut pas toujours jouer.
Quant au marquis de Montriveau, Pierre Richard-Wilm met bien en exergue tout ce qui sera à l'origine du malentendu. Et notamment, sa profonde honnêteté que je qualifierais de militaire, origine de petites maladresses.
Le roman commence par un long flash-back avec une description somptueuse d'une messe et d'un Te Deum, avec la description de la voix d'une nonne qu'on entendrait presque, bien moins mis en valeur dans le film. Du coup, le roman prend de la hauteur sur l'histoire de l'amour impossible ou du destin qui joue de mauvais tours aux 2 protagonistes.
Le "règlement de comptes" entre Montriveau et la Duchesse a lieu en public et non en privé comme dans le roman : la scène est terrible et irrémédiable dans le roman. La haine est telle qu'on ne peut imaginer revenir en arrière. La scène dans le film a lieu en public et est forcément un peu adoucie. Le scénario pourrait laisser entendre que tout n'est pas forcément perdu. C'est donc la conclusion du film qui en sera plus terrible. Cette différence est très intéressante car donne de la perspective aux personnages et à l'action (et peut laisser imaginer si ceci ou si cela...).
C'est un film passionnant qui m'a donné envie de relire et ré apprécier le roman.